Permettre aux femmes de connaître leur risque personnel de développer un cancer du sein et leur proposer ensuite une prise en charge adaptée, c'est l'espoir et l'enjeu d'un vaste projet européen porté par le Dr Suzette Delaloge.
Quel est votre risque d'avoir un cancer du sein ? Une question sensible pour beaucoup de femmes. La plupart n'ont pas une connaissance précise de ce risque. Et quand elles croient en avoir une, elles ont tendance à le surestimer et à vivre dans l'anxiété de l'apparition de la maladie. Quelques unes, trop confiantes en leur bonne étoile ou craignant le résultat, négligent de faire les mammographies de dépistage recommandées entre 50 et 74 ans. Et avant 50 ans, le dépistage est très hétérogène en France.
Connaître précisemment "son" risque, c'est pourtant potentiellement pouvoir bénéficier d'un suivi rapproché et adapté s'il est élevé ou au contraire se voir rassurée et éviter des mammographies inutiles s'il est faible. C'est pourquoi le Dr Suzette Delaloge, responsable du comité de pathologie mammaire à Gustave Roussy, a mis au point, avec la société Statlife, start-up basée sur le site de Gustave Roussy, grâce au soutien de la Fondation ARC et en collaboration avec un groupe américain, un logiciel intégrant un "score" : avec seulement quelques données - l'âge, le nombre d'antécédents familiaux, la densité mammaire, etc. -, il calcule le risque de la patiente de développer un cancer dans les cinq ans. Une démarche de dépistage adaptée peut alors être proposée. Au-delà de l'outil technique, une bonne communication entre le médecin et sa patiente est essentielle : comment reçoit-elle et comprend-elle ces informations ? Dans le cadre d'une première étude, Riviera, des médecins de ville (généralistes, gynécologues et radiologues) ont proposé à leurs patientes de 40 à 74 ans de connaître leur risque grâce à ce score. 97% de ces 452 femmes sollicitées ont répondu favorablement. "C'est bien plus que l'objectif minimum de 70% que nous nous étions fixé. Cela montre que la proposition répond à leurs attentes", note le Dr Delaloge. Interrogées deux jours après cette consultation, 93% des femmes se sont dites satisfaites de l'information dispensée et leur niveau de stress et d'anxiété était faible.
L'heure est maintenant venue d'aller beaucoup plus loin. Le programme européen H2020, qui vise à implémenter la médecine du futur, a sélectionné le projet de Suzette Delaloge ainsi que cinq autres parmi plus de 200 candidatures. Le Dr Delaloge bénéficie d'un important financement afin de tester cette démarche à grande échelle, dans le cadre d'un essai clinique baptisé MyPEBS (My Personal Breast Screening, développé avec Unicancer). 85 000 femmes, dont 20 000 en France, se verront proposer soit cette stratégie de dépistage "sur mesure", soit le dispositif de dépistage standard de leur pays. "Ce sont des centaines d'heures de travail pour proposer une telle étude. Sur le plan organisationnel, il a fallu contacter tous les acteurs du dépistage et trouver les partenaires dans les différents pays. Personne n'a jamais fait une telle étude", commente-t-elle.
L'étude démarrera concrètement à l'automne 2018 et les résultats sont attendus pour 2025-2026 car il faut un recul suffisant pour mesurer l'impact de cette démarche sur le dépistage des cancers. "Il nous faut faire l'effort d'amener la médicine de précision au plus grand nombre, et ce, dès la prévention", revendique Suzette Delaloge.
"Le but de MyPEBS est de démontrer qu'un dépistage stratifié sur le risque individuel est plus efficace que les stratégies de dépistage généralisé proposées dans chaque pays. Il devrait être plus acceptable pour les femmes et devrait permettre de dépister les cancers à un stade plus précoce, quand ils sont plus faciles à soigner, tout en diminuant les coûts sociaux, économiques et psychologiques du dépistage." - Dr Suzette Delaloge, chef du comité de pathologie mammaire de Gustave Roussy et coordinatrice de l'étude clinique internationale MyPEBS.