Villejuif, le 4 juin 2024
ASCO 2024 – Clinical science symposium
Biopsie virtuelle : l’IA permet de faire une cartographie de la réponse à l’immunothérapie des lésions tumorales
L’immunothérapie est un traitement révolutionnaire contre certains cancers. Le problème est que tous les patients ne répondent pas à cette classe thérapeutique. Il n’existe pas de marqueurs fiables à 100 % pour distinguer à l’avance les patients répondeurs qui tireront bénéfice d’un tel traitement et les non-répondeurs pour qui l’immunothérapie serait inutile. Dans ce contexte, des médecins-chercheurs de Gustave Roussy viennent de montrer chez des patients atteints de cancer du poumon métastatique, que la signature radiomique CD8, identifiée par imagerie couplée à l’intelligence artificielle, serait un facteur prédictif de la sensibilité de la tumeur à l’immunothérapie. Ces résultats sont présentés à l’ASCO le 4 juin 2024 lors d’un clinical science symposium, par le Dr Roger Sun, oncologue radiothérapeute à Gustave Roussy. Ils pourraient permettre de mieux sélectionner les patients atteints de cancer du poumon et candidats à l’immunothérapie.
Abstract n°2511 présenté à l’oral par le Dr Sun le lundi 3 juin à 8h36 UTC-5.
Cet oral figure parmi les 135 présentations au programme de cette édition 2024 de l’ASCO auxquelles prennent part les médecins-chercheurs de Gustave Roussy, dont 29 présentations orales. Gustave Roussy est présent dans de nombreux champs d’expertise, témoignant de la qualité de la recherche qui y est menée, et de sa reconnaissance à l’international.
L’objectif de ce travail est de voir comment un outil d’intelligence artificielle appliqué à l’imagerie peut prédire la réponse à l’immunothérapie et le pronostic des patients pour guider les traitements.
La signature radiomique CD8 est obtenue grâce à une imagerie par scanner qui a cartographié toutes les lésions cancéreuses chez un même patient, couplée avec un algorithme d’intelligence artificielle pour mesurer l’infiltration lymphocytaire des lésions.
« Nous avons développé en 2018 une signature radiomique des lésions cancéreuses capable de mesurer l’infiltration lymphocytaire, en couplant l’imagerie à un algorithme spécifique. La mesure de cette infiltration est importante : plus les lésions sont infiltrées par les lymphocytes, plus la réponse à l’immunothérapie sera forte », précise le Dr Sun.
Plusieurs études ont déjà validé l’intérêt de la signature radiomique, notamment dans le mélanome et d’autres formes de cancer. À l’échelle d’un patient, il a été défini que la lésion la plus « froide » est la moins infiltrée par les lymphocytes CD8 et la lésion la plus « chaude », celle qui l’est le plus.
Dans le cancer du poumon, entre 20 et 40 % des patients répondent à l’immunothérapie. Aujourd’hui, des marqueurs biologiques comme PDL1, la charge mutationnelle, ou l’instabilité des microsatellites (MSI) sur les chromosomes, mesurés sur les prélèvements biopsiques de la tumeur, donnent une évaluation de la réponse à l’immunothérapie. Mais ces marqueurs manquent de précision et ne valent que pour la lésion biopsiée, alors que les lésions tumorales sont en général hétérogènes.
L’étude présentée à l’ASCO porte sur 188 patients atteints d’un cancer du poumon au stade métastatique : 20 % d’entre eux étaient naïfs de tout traitement, 30 % avaient eu une seule ligne de traitement et 50 % en avaient reçu deux. Les patients ont tous ensuite été traités par une immunothérapie, le Durvalumab à la dose de 10 mg/kg toutes les 2 semaines pendant 12 mois ou jusqu'à progression de la maladie. Sur ces 188 patients, la signature radiomique de 1 137 lésions a pu être effectuée afin de prédire la réponse au traitement.
Les chercheurs ont ensuite comparé la prédiction de la réponse à l’immunothérapie par la signature radiomique pour chaque lésion avec la réponse réelle lors du traitement. Une corrélation parfaite entre la prédiction et la réalité est égale à 1, une corrélation liée au hasard c’est 0,5. Les résultats de l’étude menée sur ces 188 patients montrent que la corrélation obtenue est de l’ordre de 0,59 à 0,66.
Actuellement, la prédiction de la réponse à l’immunothérapie repose sur des marqueurs classiques, PD1, PDL1. Et elle est aussi de l’ordre de 0,6. Cependant, avec la signature radiomique, les biopsies ne sont pas nécessaires, la mesure de la réponse porte sur la totalité des lésions et pas seulement sur une biopsie et de surcroît, il s’agit d’un examen non invasif.
« Par ailleurs, cette étude confirme les résultats des études précédentes indiquant que le niveau d’infiltration de la lésion la plus « froide » d’un patient - comme un baromètre - permettait d’estimer son pronostic. De plus, pour la première fois, nous montrons que la signature est particulièrement intéressante pour les lésions hépatiques, ajoute le docteur Sun. Pour les lésions hépatiques, nous avons pu identifier les lésions froides et les lésions chaudes. Notre étude suggère que les patients ayant des lésions hépatiques froides ont un plus mauvais pronostic, contrairement à ceux présentant des lésions hépatiques chaudes qui ont un pronostic comparable aux patients sans lésion hépatique ». Cette technique montrerait aussi un intérêt pour mieux caractériser finalement les métastases hépatiques et le pronostic des patients. Ce travail ouvre la voie à une meilleure prédiction de la réponse à l’immunothérapie, grâce à la signature radiomique CD8, chez les patients souffrant de cancer du poumon métastatique.
Abstract n°2511 - CD8 Radiomics Signature to assess Inter-Lesion Spatial Heterogeneity and cold liver lesions in Advanced Non-Small cell lung cancers treated with Durvalumab - Clinical science symposium - Lundi 3 juin 2024 | 8h36 UTC-5.