Plan stratégique 2030
3 questions au Pr Fabrice Barlesi, directeur général de Gustave Roussy
Fidèle à son passé de pionnier, s’appuyant sur 100 ans de pluridisciplinarité et de succès au sein d’un lieu fertile de connaissances, le leader européen de la lutte contre le cancer lance son nouveau plan stratégique à horizon 2030 et unit ses forces pour créer un futur pour les patients vivant avec un cancer. Une stratégie 3.0 qui réconcilie sciences et humanité et augmente les chances de guérison.
Rencontre avec le Pr Fabrice Barlesi, nouveau directeur général de Gustave Roussy, pour comprendre les transformations décisives qui vont s’opérer dans les dix années à venir.
Intercepter le cancer en 2030, science-fiction ou réalité ?
Face aux immenses défis posés par les avancées de la science et la nécessité d’aider les personnes atteintes de cancer, il nous faut transformer l’approche scientifique, médicale, technologique et sociétale de la cancérologie. Notre nouveau plan stratégique à horizon 2030 est très ambitieux et déterminera notre action sur les prochaines années qui changeront l’appréhension du cancer. Il s’articule autour de trois axes, dont le premier est de prévenir et soigner autrement pour défier les pronostics et offrir un futur à chaque patient.
Acteur de santé publique, nous nous attacherons à développer de nouvelles expertises en intervenant à toutes les phases de la maladie, y compris les plus précoces dans la domaine de la prévention et pour intercepter le cancer avant même qu’il n’apparaisse ou avant qu’il ne devienne difficile à soigner. C’est déjà une réalité aujourd’hui à Gustave Roussy avec le programme Interception, lancé en 2021 au sein d’une clinique pilote de prévention personnalisée des cancers. Par ailleurs, nous nous appuierons aussi sur notre expérience autour des « diagnostics en un jour » ouverts par Gustave Roussy depuis 2004 (cancer du sein et thyroïde, puis poumon en une semaine) pour déployer sur notre site un centre de diagnostic rapide et intelligent.
Après la décennie du génotypage et des thérapies ciblées en 2 000, la décennie de l’immunooncologie en 2010, nous entrons aujourd’hui dans l’ère des combinaisons de médicaments et de l’ultrapersonnalisation en offrant à nos patients des parcours surmesure, de l’avant à l’après cancer. Dépister selon les risques personnels, diagnostiquer encore plus tôt et plus vite, proposer des traitements personnalisés qui augmentent les chances de guérison, anticiper les rechutes ou les toxicités des traitements en identifiant dès la prise en charge les patients à risque augmenté de récidives et de séquelles, personnaliser l’accompagnement de chaque malade pour une meilleure qualité de vie après le cancer notamment grâce au digital et à l’intelligence artificielle, tels sont nos défis.
Que comptez-vous faire contre les cancers que l’on ne guérit pas aujourd’hui ?
Il nous faut embarquer et concentrer le meilleur de toutes les sciences pour une recherche 3.0 à impact rapide. C’est le deuxième axe de notre plan stratégique : une recherche collaborative toujours plus interdisciplinaire, plus technologique, orientée vers des solutions rapides bénéficiant directement aux patients et utiles à la société.
Nous passons aujourd’hui à une recherche visant l’anticipation par exemple pour éviter la maladie et mieux la contrôler. Par exemple, le programme Prism, associant les équipes de Gustave Roussy à d’autres partenaires, oeuvre déjà au développement de solutions pour demain.
L’objectif est que, dans cinq ans, il soit possible de créer un avatar biologique et aussi numérique pour chaque patient, un cancer virtuel qui permettra de connaître les mécanismes moléculaires, cellulaires, immunologiques, génétiques favorisant la progression du cancer, afin de proposer des traitements personnalisés dès le diagnostic.
C’est aussi la vocation du Paris Saclay Cancer Cluster que Gustave Roussy a cofondé, et qui connecte très étroitement les acteurs clés de l’innovation en oncologie. Il sera un véritable catalyseur de projets et de concentration de talents. L’objectif est de favoriser le développement de licornes françaises en oncologie pour permettre aux malades d’accéder rapidement aux progrès de la recherche et d’assurer l’indépendance sanitaire. D’ici dix ans, l’objectif est de pouvoir offrir un diagnostic rapide au patient, incluant une modélisation des marqueurs de sa maladie et la construction d’une thérapie individuelle.
La création de grandes cohortes permettant de profiler chaque patient et de générer plus de connaissances, et l’utilisation de l’IA pour traiter ultrafinement ces données sont également clés dans cette approche. Nous amplifions nos partenariats dans différents champs scientifiques notamment avec l’université Paris-Saclay. Nous sommes convaincus que la fertilisation croisée d’intelligences complémentaires dans des champs tels que les mathématiques, la physique et les sciences humaines et sociales, permettra de résoudre des questions cruciales non encore élucidées en cancérologie.
"À horizon 2030, notre ambition est de soigner chaque patient de façon unique grâce à la convergence des sciences et de la technologie."
À quoi ressemblera Gustave Roussy en 2030 ?
Le troisième axe fort de notre plan stratégique est de faire de Gustave Roussy un smart hospital, le QG de la cancérologie européenne. Nous allons transformer notre site en un hôpital 3.0 dans un écosystème ultraperformant, qui réponde à la fois aux défis organisationnels et structurels autour de nouveaux parcours patients plus connectés et plus adaptés aux besoins de la société. Cette nouvelle organisation, plus digitalisée, permettra également aux soignants de retrouver du sens à leur métier avec plus de temps de qualité auprès des patients et de se recentrer ainsi sur des tâches mobilisant leur humanité, au coeur de leur vocation.
Parce que nous avons la conviction que des malades bien accompagnés guérissent plus vite et mieux, le smart hospital offrira un accueil sur-mesure pour nos patients. Nous allons ainsi bâtir un nouvel ambulatoire 3.0. Grâce à la digitalisation d’une partie des soins, les patients pourront prendre leurs constantes depuis leur domicile, enregistrer leurs symptômes ou effets secondaires, choisir leur créneau de traitement afin que la maladie impacte le moins possible leur vie personnelle et professionnelle. Des unités de soins seront rénovées et repensées, à l’instar de nos tout récents plateaux d’oncologie interventionnelle et de pharmacie. La création d’unités supplémentaires d’hospitalisation, le désenclavement du site actuel avec l’arrivée prochaine des lignes 14 et 15 du métro et de vastes projets immobiliers incluant la construction de bâtiments sont déjà lancés ou en voie de l’être. Ces aménagements permettront de fonder autour de Gustave Roussy le cancer campus européen, pour une recherche de haut niveau et les soins les plus innovants.
C’est enfin le développement de partenariats, alliances et coopérations pour essaimer nos nouveaux modèles sur le territoire comme à l’international.
Pour son déploiement, ce plan nécessite des investissements majeurs de plusieurs centaines de millions d’euros. Nous sommes déjà assurés du soutien de l’État, de fonds d’investissements, de nos mécènes et de nos donateurs fidèles. Nous espérons les voir rejoints par de nouveaux acteurs de la société civile qui veulent prendre part, à nos côtés, à la guérison du cancer. Depuis 100 ans, faisant grandir l’esprit visionnaire de son fondateur, Gustave Roussy s’attache à mériter sa place de leader européen de lutte contre le cancer. Nous sommes aujourd’hui à un tournant de notre histoire, poursuivant notre grande ambition : guérir le cancer des adultes et des enfants au 21e siècle.