Chicago, 4 juin 2019
ASCO 2019
Mélanome : les bénéfices d’une bithérapie ciblée confirmés à cinq ans
Le traitement des patients atteints d’un mélanome métastatique avec une mutation BRAF V600, par l’association du dabrafenib et du trametinib, deux anticancéreux qui ciblent une voie de signalisation intracellulaire spécifiquement impliquée dans le processus cancéreux, prolonge la survie sans progression et améliore la survie globale de nombreux malades, selon de nouveaux résultats à cinq ans qui confirment l’intérêt de cette bithérapie ciblée. Présentés dans le cadre du congrès de l’ASCO et publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine (NEJM), ils sont issus de l’analyse conjointe des données de deux études, COMBI-d et COMBI-v, menée notamment par le Pr Caroline Robert, chef de service de Dermatologie à Gustave Roussy.
Les essais COMBI-d et COMBI-v ont l’un et l’autre évalué l’efficacité et la sécurité de l’association dabrafenib-trametinib, deux inhibiteurs de protéines kinases qui ciblent respectivement RAF et MEK. Cette combinaison de thérapie ciblée était comparée à une monothérapie, chez des patients atteints d’un mélanome métastatique avec une mutation BRAF V600E/K. Les premiers résultats à trois ans de l’analyse combinée de ces deux essais, publiés en 2017, montraient que la maladie n’avait pas progressé chez 23 % des patients et que 44 % étaient toujours en vie. Dans cette nouvelle étude, présentée à l’ASCO et publiée simultanément dans le NEJM, ces bénéfices sont confirmés à quatre et cinq ans avec une maladie stabilisée chez respectivement 21 et 19 % des patients, et des taux de survie globale atteignant 37 et 34 %.
"La présentation des résultats de cette étude au congrès de l’ASCO et leur publication conjointe dans le NEJM, sont très gratifiantes car cela montre les bénéfices au long cours d’une thérapie ciblée à l’heure où l’on oublie quelque peu cette approche thérapeutique du cancer au profit de l’immunothérapie", commente le Pr Robert.
L’étude COMBI "poolée" a porté sur les données de 563 patients atteints d’un mélanome métastatique avec une mutation BRAF V600E/K participant aux essais de phase III COMBI-d (211) ou COMBI-v (352). Naïfs de tout traitement à leur inclusion, ils recevaient deux doses quotidiennes de 150 mg de dabrafenib associée à une dose quotidienne de 2 mg de trametinib.
À quatre et à cinq ans, les taux de survie sans progression de la maladie et de survie globale semblent atteindre un plateau, suggérant une stabilisation de l’efficacité des traitements. Les auteurs ont toutefois observé des disparités parmi les patients, selon le nombre de métastases et les taux de LDH sériques (les lactatodehydrogénases, enzymes dont le taux élevé signe l’agressivité du mélanome).
- Ainsi, 25 % des patients dont la maladie n’avait pas progressé présentaient un taux normal de LDH, contre seulement 8 % chez ceux dont le taux était élevé ; le taux de survie globale était lui aussi considérablement supérieur, 43 % vs 16 % ;
- Et chez les patients ayant à la fois un taux normal de LDH et moins de trois sites métastatiques, ces taux s’élevaient respectivement à 31 % et 55 %.
Les recherches vont d’ailleurs être poursuivies pour caractériser les sous-groupes de patients les plus à même de tirer profit de cette bithérapie ciblée. Il apparaît d’ores et déjà qu’une réponse complète à la bithérapie ciblée constitue un facteur prédictif solide et précoce d’une survie prolongée sans progression de la maladie et d’une survie prolongée globale.
Parmi les 300 patients ayant reçu un autre traitement à l’arrêt de la bithérapie ciblée, la grande majorité a été traitée par immunothérapie (51 % ont reçu un anticorps inhibiteur du point de contrôle CTLA-4 des lymphocytes T, 34 % un anti-PD1). "Des essais cliniques évaluant l’efficacité et la sécurité d’un traitement combinant une thérapie ciblée et un anti-PD1 sont en cours, afin d’examiner les effets de l’immunothérapie en relais de la thérapie ciblée", indique le Pr Robert. "Les résultats devraient être publiés d’ici moins d’un an", précise la spécialiste.
La quasi-totalité des participants ont rapporté des effets indésirables (98 %), mais tous étaient connus et attendus (fièvre, éruptions cutanées, diarrhées...) différents de ceux observés avec l’immunothérapie par anti-PD1. Ils ont conduit 18 % des patients à interrompre leur traitement.
De façon globale, "une réponse objective est obtenue chez 68 % des patients traités, rapporte le Pr Robert. Et près de 20 % des malades répondent de façon complète à cette bithérapie ciblée et ne présentent plus aucune métastase visible après seulement quelques mois de traitement."
Ces bons résultats ne doivent cependant pas masquer un taux de décès encore élevé : 62 % au moment de l’analyse des données. "Même si les progrès réalisés depuis plusieurs années sont importants, on déplore encore beaucoup de décès à cinq ans", tempère le Pr Robert.
Session orale
Mardi 4 juin, 11:57 AM - 12:09 PM (heure de Chicago), Salle S406
À propos du mélanome
Le mélanome est cancer de la peau qui se développe à partir des cellules cutanées qui produisent la mélanine. Environ 20 % des mélanomes résultent de la transformation maligne d’un grain de beauté. Mais dans la très grande majorité des cas (80 %), le mélanome apparaît spontanément à partir des cellules saines1.En 2012, on estimait à 11 176 le nombre de mélanomes en France, ce qui représente entre 2 et 3 % de l’ensemble des cancers1. Son incidence (nombre de nouveaux cas annuels) augmente d’environ 10 % par an depuis 50 ans. L’âge moyen au diagnostic est de 56 ans1. S’il est loin d’être le plus fréquent, le mélanome est le cancer de la peau le plus grave. Comme beaucoup de cancers, le mélanome a un pronostic d’autant plus favorable qu’il est détecté tôt. Or, environ un quart des mélanomes en France sont diagnostiqués à un stade avancé (stade 3 ou métastatique). Son taux de survie à cinq ans atteint 88 % pour les stades localisés, mais seulement 18 % en cas demétastases2.
1 Le mélanome de la peau : points-clés. INCa
2 Mélanome cutané. Guide HAS, janvier 2012