Le Pr Alexander Eggermont, directeur général de Gustave Roussy, a présenté en séance plénière du congrès 2018 de l'American Association for Cancer Research (AACR) les résultats d'une grande étude clinique internationale. Cette étude démontre que le pembrolizumab, une immunothérapie anti-PD1, diminue de 43% le risque de rechute de patients atteints d'un mélanome de stade 3 à haut risque de récidive après la chirurgie. Ces résultats ont été publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine.
Un mélanome de stade 3 à haut risque de rechute se caractérise par la présence de métastases de taille supérieure à un millimètre dans un ou plusieurs ganglions lymphatiques. Plus l'atteinte ganglionnaire et la taille des métastases sont importantes, plus le risque de rechute est élevé.
Dans cette étude, les patients opérés d'un mélanome envahissant les ganglions lymphatiques au niveau du cou, des aisselles ou de l’aine ont été répartis au hasard en deux groupes. L’un a reçu une injection de pembrolizumab à la dose fixe de 200 mg toutes les trois semaines pendant un an, tandis que l’autre recevait un placebo.
Après 18 mois de suivi, le taux de survie sans rechute est de 71,4% pour les patients traités par pembrolizumab contre 53,2% pour ceux qui recevaient le placebo. Chez les patients traités, le risque de rechute ou de décès diminue de 43% par rapport aux patients non traités. "Ces résultats sont très prometteurs pour ces patients à risque, d'autant que la balance bénéfice/risque du pembrolizumab plaide en sa faveur. Ils devraient mener le laboratoire pharmaceutique à déposer une demande d'autorisation de mise sur le marché dans cette indication. Il faut maintenant plus de recul pour pouvoir estimer le bénéfice sur la survie globale", précise le Pr Alexander Eggermont.
"Un autre point fort de l’étude est que les patients en rechute dans le groupe placebo ont la possibilité d'avoir accès au pembrolizumab. C'est la première fois que cela se produit dans un essai évaluant un traitement adjuvant du mélanome. Cela nous permettra de déterminer s'il est plus bénéfique d'initier le traitement immédiatement en post-opératoire ou de traiter uniquement les patients au moment de la rechute", ajoute-t-il.
Alors que le pronostic des patients atteints d’un mélanome stade 3 est particulièrement mauvais, il n'existe pas actuellement en Europe, de traitement adjuvant standard pour prévenir les rechutes. Les seules options thérapeutiques sont soit l'interféron alpha qui présente des résultats peu probants, soit l’association dabrafenib/trametinib avec des résultats intéressants mais uniquement chez les patients portant la mutation BRAF.
Aux Etats-Unis, la FDA a autorisé deux immunothérapies en adjuvant : l'ipilimumab en octobre 2015 malgré une toxicité significative et en décembre 2017 le nivolumab qui présente de meilleurs résultats et moins d’effets secondaires que l'ipilimumab. En Europe, aucune de ces immunothérapies n'est encore autorisée dans cette indication.
Dirigée par le Pr Alexander Eggermont, KEYNOTE-054/EORTC 1325-MG est une grande étude internationale menée dans 123 centres de 23 pays. C'est une étude randomisée menée en double aveugle contre placebo qui a inclus 1 019 patients. Elle est promue par le laboratoire Merck.
Le mélanome ne représente que 5% des cancers cutanés mais entraîne 75% des décès qui leur sont liés. Son incidence a doublé tous les 10 ans au cours des dernières décennies. Il a ainsi touché plus de 11 000 patients en France en 2012. En cause, l’exposition excessive au soleil, notamment dans l’enfance, des peaux les plus blanches.
Jusqu’au début des années 2010, il n’existait aucun traitement efficace contre ces formes avancées. L’immunothérapie est venue changer la donne. Aujourd’hui, les médicaments anti-PD1, dont fait partie le pembrolizumab, sont l'une des branches majeures de cette stratégie qui consiste à aider les défenses du patient à combattre le cancer.