En France, 5 millions de proches-aidants accompagnent une personne atteinte d’un cancer. Les soutenir et les informer de leurs droits au quotidien est l’une des grandes missions de Cancer Contribution, association d’usagers hébergée au sein de la Maison des projets de Gustave Roussy. Rencontre avec sa Directrice, Sandra Doucène, généticienne de formation.
« 91 % des proches aidants recommenceraient à l’identique un rôle qu’ils considèrent comme naturel »
Cancer Contribution est une association de patients réunissant tous les usagers concernés par la lutte contre le cancer. Née en 2008 du pôle citoyen autour de l’association Cancer Campus, et financée par les collectivités territoriales (Département, Région, Territoire Grand Orly Seine Bièvre), elle est devenue indépendante en 2015, mais garde un pied à Gustave Roussy. Sa mission est double : promouvoir la démocratie en santé, c’est-à-dire, faire reconnaître et impliquer les patients et leurs proches dans les réflexions liées aux parcours de santé, et réunir tous les acteurs du soin pour améliorer les pratiques. Nous travaillons au niveau national sur tous les cancers et favorisons, au niveau territorial, les expérimentations en lien avec les acteurs du terrain. Par exemple, avec ONCO94, nous allons mener un projet sur les attentes des patients et de leurs proches vivant un parcours complexe. Un outil est en cours de réflexion pour repérer les plus fragiles et mettre en place un soutien adapté.
La spécificité est leur implication tout au long du parcours. Nous avons identifié trois moments clés pour lesquels un besoin d’accompagnement et d’information est nécessaire. Le premier est l’annonce d’un cancer, véritable tsunami pour le patient et son entourage.
Le second concerne les soins à domicile. 45% des proches aidants interrogés réalisent des soins, 65% en cas de perte d’autonomie. Les professionnels de santé n’ont pas forcément conscience de cette délégation de soins d’autant que l’aidant n’est pas toujours la personne de confiance désignée, ce qui pose un problème de responsabilité. Le cancer, tout comme le handicap, frappe de manière brutale. Les soutiens et aides en cancérologie ne sont pas assez adaptés, et surtout, ne sont pas des recours d’urgence. La précarité n’est jamais loin et les ruptures peuvent être professionnelles, sociales et familiales. Il y a aussi une vraie problématique sur l’après-cancer ou la fin des traitements aigus, un sujet qui nous tient particulièrement à cœur et sur lequel nous travaillons avec Gustave Roussy via la « Journée transition ».
Le dernier moment est lié à l’entrée en soins palliatifs, pour lequel émergent de nombreux besoins qu’il faudrait pouvoir anticiper avec les équipes et selon les cancers « à risques ».
Sur les 11 millions d’aidants en France, 5 millions accompagnent une personne atteinte de cancer. Dans 62 % des cas, le proche aidant travaille, même s’il peut aussi être étudiant (12 % ont moins de 24 ans) et mineur. 52% aident tous les jours. Notre Baromètre a aussi montré que 85 % des proches aidants n’avaient reçu ni accompagnement, ni information sur les aides dont ils peuvent bénéficier. Malgré tout, 97 % d’entre eux recommenceraient à l’identique dans ce rôle considéré comme naturel et pris tellement à cœur qu’il peut laisser s’installer des répercussions sociales et des séquelles. Nous travaillons à les limiter, prenant l’aidant comme une clé, mais également une cible de nos actions.
En mars 2022, Cancer Contribution a organisé le colloque « Agir ensemble pour les aidants en cancérologie », qui a généré 23 idées citoyennes et autant de chantiers. Un second colloque aura lieu le 28 mars 2023 à l’Espace Maurice Tubiana de Gustave Roussy avec l’ensemble des acteurs du soin sur un format d’échange de bonnes pratiques. L’objectif est d’identifier les clés de réussite et d’assurer une dynamique territoriale autour d’un continuum dans nos travaux sur les proches aidants et le virage ambulatoire.
Il apporte une aide notable à Cancer Contribution qui fonctionne grâce à l’intelligence collective. Malgré un quotidien tendu, Gustave Roussy met ses soignants à la disposition des réflexions menées par notre association pour progresser. L’Institut a toujours une oreille attentive et nous laisse la parole pour présenter nos rapports et nous impliquer dans les projets mis en place. C’est un vrai travail partenarial gagnant-gagnant qui s’engage au profit des patients.
A noter que le lundi 10 octobre, Cancer Contribution tiendra un stand d’information dans le hall de Gustave Roussy.
Pour en savoir plus :
Brochure Proches aidants : Accompagner une personne atteinte d’un cancer, consultable ou téléchargeable sur www.cancercontribution.fr
Rapport Face au cancer, agir ensemble pour les proches aidants, 23 idées citoyennes – Juin 2022, consultable et téléchargeable sur https://www.cancercontribution.fr/rapport-proches-aidants-face-au-cancer/
« Il faut savoir faire abnégation de sa personne »
« Je suis l’épouse et l’aidante de mon mari. Je ne fais appel à aucune aide extérieure et mes enfants habitent loin. En 2010, mon mari a eu un cancer de la prostate, traité par chirurgie et radiothérapie. Sept ans plus tard, après un long parcours d’errance médicale, on lui a diagnostiqué un cancer bronchique non à petites cellules alors qu’il n’avait jamais été fumeur. Il est actuellement en chimiothérapie de maintenance avec un scanner à passer tous les trois mois et beaucoup d’effets secondaires, mais j’ai une pharmacie pour tout ! En cas de rechute, il pourra intégrer un essai clinique. A chaque étape, rendez-vous médical, hospitalisation, séance de kinésithérapie, d’orthophoniste…je le conduis et l’accompagne. Pour l’aidante, le plus difficile est la durée, la fatigue et l’angoisse car la personne malade peut ressentir peur, souffrance intérieure et colère. Lorsque l’on a annoncé à mon mari qu’il lui restait peut-être 7 mois de survie, en revenant dans le taxi, je lui ai dit que nous allions nous battre. Le plus important est de garder espoir, mais aussi de vivre normalement. Nous faisons des dîners, j’emmène mon mari au cinéma et même au Sénégal, entre deux chimiothérapies. Etre aidante, c’est prendre sur soi, faire abnégation de sa personne par amour, par empathie et par dévouement. A l’annonce du diagnostic, je venais de prendre ma retraite et j’avais beaucoup de projets. Je m’octroie une séance d’aquagym par semaine, mais je ne pars jamais me ressourcer. L’essentiel, pour le moral du patient et de l’aidant, est d’accepter de ne pas avoir peur, de ne jamais baisser les bras et d’essayer de ne pas vivre au quotidien dans et pour la maladie… ».