Fiscalité et Mécénat :
ce qui change pour les entreprises mécènes
Interview de Clara Lemonnier, responsable juridique et affaires publiques d’ADMICAL. Juriste spécialisée en droit et fiscalité des organismes sans but lucratif. J’accompagne au quotidien les acteurs de l’intérêt général dans leur pratique du mécénat sur les volets juridique et fiscal.
Qu’est-ce qu'Admical (missions, expertises, métier) ? Quel est votre rôle ?
A Admical, nous pensons que le mécénat est un levier majeur d’avancées vers une société harmonieuse, solidaire et équitable. A Paris comme en régions, nous avons pour mission de donner aux entreprises et aux entrepreneurs l’envie et les moyens d’affirmer et de concrétiser leur rôle sociétal grâce au mécénat.
- Donner l'envie de mécénat en informant et sensibilisant un maximum d'entrepreneurs (outils de communication, événements…)
- Donner les moyens aux mécènes d'exercer leur démarche sociétale en les aidant à se professionnaliser (formations, expertises…)
Nous délivrons une expertise à la fois juridique et fiscale, opérationnelle et stratégique mais également par domaines de mécénat (culture, social, éducation, environnement…).
Quelle est votre définition du mécénat ?
Le mécénat pourrait se définir comme le soutien désintéressé d’un individu ou d’une entreprise en faveur d’une œuvre ou d’un organisme d’intérêt général.
Aujourd’hui, il n’existe malheureusement qu’une définition fiscale de l’intérêt général reposant sur plusieurs critères et des domaines éligibles définis par la loi.
Le mécénat est un outil au service des individus et des entreprises qui souhaitent s’engager en faveur de la société. Il peut prendre plusieurs formes, mécénat en numéraire, en nature ou de compétences.
Mais il existe une multitude d’autres outils d’engagement.
Ces démarches s’inscrivent dans le développement et la reconnaissance du rôle social, sociétal et environnemental des entreprises.
L’entreprise de demain est une entreprise engagée.
Pourriez-vous nous rappeler quels sont les avantages fiscaux pour les entreprises ?
Avant 2020, Les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés bénéficient d’une réduction d’impôt égale à 60% du montant des versements, pris dans la limite de 10 000 euros ou de 0.5% du chiffre d’affaires à la condition que ces versements soient réalisés au profit d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général (domaine du 238 bis du CGI + critères fiscaux de l’intérêt général).
En 2019, de nouvelles mesures viennent s’ajouter au dispositif mécénat, particulièrement pour les TPE/PME ainsi que pour les entreprises qui donne plus de 10 000 euros. Pourriez-vous revenir sur ces mesures et nous les détailler ?
Effectivement, la loi de finances pour 2019 est venue libérer le mécénat des TPE/PME en instaurant un nouveau plafond en complément de celui de 0,5% du chiffres d’affaires trop vite atteint par ces entreprises. Ainsi, les entreprises peuvent bénéficier de la réduction d’impôt au titre du mécénat jusqu’à 10 000 euros de dons, quel que soit leur chiffre d’affaires. Passé ce montant, c’est de nouveau le plafond de 0,5% du CA qui s’applique. C’est une mesure qu’ADMICAL portait depuis longtemps et qu’elle a défendu avec conviction auprès des pouvoirs publics.
Par ailleurs, afin d’avoir plus de données sur le mécénat d’entreprise, une nouvelle obligation déclarative a été mise en place. Ainsi, les entreprises qui réalisent plus de 10 000 euros de versements ouvrant droit à réduction d’impôt au titre du mécénat au cours d’un exercice doivent déclarer à l’administration fiscale l’identité des bénéficiaires, le montant et la dates des dons et les biens et services reçus en contrepartie. Nous espérons que ces données récoltées par l’administration fiscale seront mises en Open Data fin de pouvoir les analyser.
Les modalités de valorisation des contreparties se précisent également, pourriez-vous nous expliquer ce que cela signifie pour les entreprises mécènes ?
En effet, dans le cadre de la nouvelle obligation déclarative les entreprises doivent déclarer les biens et services reçus en contrepartie de leur soutien. L’administration fiscale tolère en effet que les entreprises puissent bénéficier de contreparties à la condition qu’il y ait une disproportion marquée entre le montant du versement et la valorisation des contreparties. L’obligation déclarative pèse sur les entreprises mais ce sont les bénéficiaires qui vont devoir valoriser les contreparties qu’elles offrent et transmettre les informations aux entreprises. Une instruction fiscale a été publiée au début de l’été 2019 afin d’apporter des précisions sur les modalités de valorisation. Le texte est toutefois sujet à interprétation et complexe, d’autant plus pour les petites structures associatives composées de bénévoles qui vont devoir se prêter à l’exercice. C’est pour cette raison que nous avons tenté d’élaborer un mode d’emploi afin d’informer et d’accompagner les entreprises et les bénéficiaires dans leur démarche.
En 2020, le cadre fiscal continue d’évoluer. L’article 50 du projet de loi de finances pour 2020 (PLF 2020) réforme les modalités de détermination de la réduction d’impôt mécénat. Pourriez-vous, nous expliquer les différents changements évoqués par cette réforme.
Quelles sont les conséquences de ces changements selon vous ?
Cette réforme qui s’applique aux versements effectués au cours des exercices clos à compter du 31 décembre 2020 comprend :
- La baisse du taux de réduction d’impôt de 60% à 40% pour la fraction des versements supérieure à 2 millions d’euros (le droit à une réduction d’impôt au taux à 60% demeurant pour la fraction inférieure ou égale à 2 millions de dons) ;
- Une dérogation à l’application de ce seuil pour les dons réalisés au profit des organismes relevant du périmètre élargi de la loi Coluche (la liste des prestations et produits sera fixée par décret) ;
- Un plafonnement de la défiscalisation des salaires des salariés mis à disposition au titre du mécénat de compétences à trois plafonds de la Sécurité sociale, soit 10 284 euros par mois, par salarié.
Deux points positifs sont à retenir :
- Le rehaussement de la franchise de 10 000 euros à 20 000 euros en faveur des TPE ;
- L’ouverture aux avantages du mécénat pour les versements effectués par les entreprises au profit de Radio France et affectés au financement des activités des formations musicales dont elle assure la gestion et le développement.