ESMO 2020
Villejuif, le 19 septembre 2020
Une injection d’immunothérapie élimine la moitié des cellules tumorales chez 41 % des patients atteints d’un cancer du poumon opérable
Les patients atteints de cancers du poumon non à petites cellules localisés peuvent tirer un bénéfice d’une immunothérapie avant d’être opérés, révèle l’étude de phase II PRINCEPS, présentée par Gustave Roussy au congrès virtuel de l’ESMO 2020. Les résultats de ces travaux, menés conjointement avec l’hôpital Marie-Lannelongue, partenaires au sein de l’Institut d’Oncologie Thoracique, montrent qu’un traitement néo-adjuvant par atezolizumab n’affecte ni le délai de l’intervention chirurgicale, ni les suites opératoires. En une seule injection, avant résection de la tumeur, le traitement prouve sa capacité à détruire la moitié des cellules tumorales chez plus de 40 % des patients.
Les cancers bronchiques non à petites cellules représentent plus de 85 % des cancers du poumon. Selon la localisation de la tumeur- plus que sa taille- ou la propagation métastatique de la maladie, plusieurs options thérapeutiques sont envisageables : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, thérapies ciblées, et/ou immunothérapie, visant à réveiller le système immunitaire du patient. Anticorps monoclonal conçu pour bloquer la protéine PD-L1, l’atezolizumab fait partie de ces traitements d’immunothérapie qui ont changé la donne, augmentant parfois considérablement la survie de certains malades atteints de forme métastatique.
Pour un tiers des patients, dont la maladie est heureusement diagnostiquée à un stade plus précoce et qui présentent une tumeur localisée, le traitement de référence reste la résection chirurgicale. « La place de l’immunothérapie pour ces formes de cancers du poumon non à petites cellules éligibles à la chirurgie n’est pas encore établie » explique le Professeur Benjamin Besse, chef du département de médecine oncologique, spécialiste des cancers thoraciques et investigateur principal de l’étude de phase II PRINCEPS, présentée à l’oral le 19 septembre au congrès virtuel de l’ESMO. «Plusieurs essais sont en cours, pour évaluer l’immunothérapie après la chirurgie contre placebo, dont on espère les réponses d’ici un an. Pour l’immunothérapie pré-opératoire, peu de résultats ont encore été publiés. L’idée est de faire apprendre au système immunitaire lorsque la tumeur est encore en place, comment s’en défendre et permettre ainsi d’éviter la récidive, dans le cas où il resterait quelques cellules tumorales après l’intervention». L’originalité de cette étude est d’avoir fait ce double pari : une seule injection d’immunothérapie, très rapidement suivie de l’intervention chirurgicale. L’étude de phase II PRINCEPS, menée par Gustave-Roussy, apporte une contribution majeure, en démontrant qu’administrer de l’atezolizumab avant l’intervention chirurgicale ne met pas le patient en danger : ni à risque de devoir repousser l’opération, ni que ses suites soient plus compliquées.
Trente patients ont été recrutés pour cet essai : 15 hommes et 15 femmes. D’un âge médian de 64 ans, tous étaient atteints d’une forme localisée de cancer du poumon non à petites cellules. Tous ont reçu une unique injection de 1 200 mg d’atezolizumab 3 à 4 semaines avant la date prévue de leur opération. Le critère principal de l’étude portait sur la sécurité de cette stratégie. «Le traitement pré-opératoire peut être une prise de risque. En premier lieu nous devions nous assurer que cette immunothérapie ne mettrait pas le patient en danger, ne provoque pas une perte de chance : qu’elle ne fasse pas progresser la tumeur, le rendant inéligible à une opération, qu’elle n’induise pas un décalage de l’opération de plus de 15 jours, n’entraîne ni effets secondaires graves, ni n’aggrave les complications potentielles de la chirurgie» détaille le Pr Benjamin Besse. L’essai a rempli ses objectifs. L’immunothérapie n’a entraîné aucun effet secondaire grave dans les 2 mois suivant le traitement. «Aucun patient n’a vu son intervention reportée de plus de 15 jours», tous ont pu être opérés, dans un délai inférieur à un mois après l’injection d’atezolizumab, avec une médiane de 24 jours. Les complications post-opératoires, observées chez 23 % des patients, étaient peu sévères, « classiques (infections, rythmologie) et de proportion attendue après ce type d’intervention ». Seul un patient a eu une chirurgie incomplète.
Les médecins-chercheurs se sont aussi intéressés à mesurer l’action de cette unique injection d’immunothérapie sur les cancers des patients. L’examen au scanner ne révélait pas diminution significative de la taille de la tumeur et le Pet-scan ne se montrait pas concluant pour juger d’une diminution de l’activité tumorale. L’outil le plus puissant pour évaluer l’impact de l’atezolizumab s’est révélé l’analyse de la tumeur, prélevée lors de l’intervention chirurgicale. Tous les patients ont été opérés à l’hôpital Marie-Lannelongue, partenaire de Gustave-Roussy au sein de l’institut d’oncologie thoracique. Sitôt enlevées, les tumeurs étaient acheminées dans les quatre heures par un motard à Villejuif, au laboratoire d’immuno-monitoring du Pr Nathalie Chaput pour y être analysées et rechercher quelles cellules immunitaires les attaquaient. «En examinant le nombre de cellules tumorales qui persistaient, on a eu la bonne surprise de découvrir que plus de 50 % avaient été détruites par le système immunitaire, chez 41 % des patients. Et ce alors que le traitement n’avait été administré que peu de temps auparavant, dans un délai médian de 24 jours.» Chez 14 % des patients, l’examen de la pièce opératoire a révélé plus de 90 % de cellules tumorales détruites. «Cela montre que l’effet de l’immunothérapie, dont on pensait qu’elle a besoin de temps pour agir, est extrêmement rapide» souligne le Pr Besse. Seuls deux des patients inclus dans l’essai n’ont pas répondu à l’atezolizumab.
Compte tenu de ces résultats, le protocole de l’étude PRINCEPS a été modifié pour inclure 30 patients complémentaires, qui seront opérés de leur tumeur localisée sans recevoir préalablement d’atezolizumab. «Comparer l’état d’une tumeur après injection à une tumeur opérée d’emblée nous donnera des éléments puissants pour comprendre quelles cellules immunitaires sont mobilisées par l’immunothérapie, et nous aider à mieux comprendre pourquoi certains patients n’y répondent pas» conclut le Pr Besse.
Source
ESMO 2020 – Session orale
Proffered Paper : Non-metastatic NSCLC and other thoracic malignancies
Neoadjuvant atezolizumab (A) for resectable non-small cell lung cancer (NSCLC): results from the phase II PRINCEPS trial.
Presentation 1215O – Channel 1 – 12h42
Speaker : Pr Benjamin Besse