La lutte contre la douleur, aiguë ou chronique, est plus que jamais une priorité dans la prise en charge du cancer. Anesthésie locorégionale, nouveaux médicaments, neurostimulation, hypnose, sophrologie… Les approches se multiplient et se complètent pour l'attaquer sur tous les fronts.
Il peut s'agir de douleurs aiguës, causées par la maladie elle-même ou par les traitements, à commencer par les douleurs post-opératoires, liées aux incisions et à la cicatrisation.
Il existe aussi des douleurs consécutives aux brûlures des rayons et des effets secondaires des chimiothérapies : picotements et fourmillements aux mains et aux pieds, qu'on appelle des douleurs neuropathiques.
Il faut aussi compter avec les douleurs que pouvaient avoir les patients avant la maladie, des rhumatismes par exemple, qu'il faut continuer de prendre en charge en parallèle du traitement du cancer.
Et bien sûr la maladie elle-même peut provoquer des douleurs qui ne sont pas forcément corrélées à la taille des tumeurs ou à leur évolution.
Le médecin anesthésiste-réanimateur intervient au bloc opératoire pour endormir le patient, mais aussi en post-opératoire pour lutter contre les douleurs aiguës liées à la chirurgie. Avant l'opération, il anticipe la douleur par l'application de protocoles d'analgésie adaptés à chaque type de chirurgie qui associent des antidouleurs médicamenteux et parfois, la réalisation d'une analgésie locorégionale : un anesthésique local est alors injecté au contact d'un nerf, d'une racine nerveuse ou à proximité de la moelle épinière, comme l'analgésie péridurale (souvent pratiquée lors des accouchements).
Pour la chirurgie abdominale ou gynécologique lourde, l'injection péridurale est réalisée plus haut dans le dos, en fonction de la zone qui doit être opérée (abdomen ou thorax) ; la mise en place d'un cathéter péridural permet de poursuivre cette analgésie pendant plusieurs jours. Le médecin peut aussi réaliser un "bloc périnerveux" pour anesthésier seulement un membre par exemple. Après l'intervention, les douleurs faibles pourront être soulagées par le paracétamol ou des anti-inflammatoires et les plus intenses par une pompe à morphine.
La prise en charge des douleurs chroniques est réalisée par tous les médecins de l'hôpital, qui mettent en place les premiers niveaux de traitement. Lorsque cette douleur persiste ou est particulièrement complexe, elle est prise en charge par une équipe pluridisciplinaire spécialisée, l'équipe du CETD (Centre d’Étude et de Traitement de la Douleur). Les patients sont reçus en consultation ou en hôpital de jour pour établir un diagnostic complet et un plan de traitement personnalisé qui peut faire appel à des nombreuses stratégies, comme l'auriculothérapie (acupuncture de l'oreille), la relaxation, l'accompagnement psychologique et social, la diététique…
Depuis quelques années, de nouvelles techniques sont aussi apparues : la capsaïcine, une molécule extraite du piment, appliquée en patchs, permet par exemple parfois de soulager les neuropathies des pieds et des mains dont souffrent certains patients après une chimiothérapie. Ces douleurs chroniques peuvent perdurer longtemps après les traitements et sont particulièrement difficiles à combattre.
Il en va bien sûr du confort et de la qualité de vie du patient, mais aussi de son bon rétablissement. Un patient qui ne souffre pas va pouvoir se mouvoir plus facilement, ce qui va accélérer la reprise de son transit intestinal, souvent ralenti après une chirurgie abdominale par exemple. Sans douleur importante, il va pouvoir ainsi se lever précocement et rentrer plus rapidement chez lui. On sait aussi qu'un patient qui a mal en post-opératoire a plus de risque de souffrir de douleurs chroniques plusieurs mois après la chirurgie. Enfin, soulager ces premières douleurs post-opératoires permet de retarder et de réduire la prise d'antalgiques puissants comme la morphine qui présentent des effets secondaires importants. La lutte contre la douleur est un des éléments fondamentaux de la réhabilitation post-opératoire.
La morphine est un antidouleur très efficace et utile, mais elle peut présenter de nombreux effets indésirables. Prise au long cours, elle peut aussi entraîner une tolérance qui oblige à augmenter les doses pour obtenir le même effet antalgique. Ces fortes doses conduisent alors à des effets secondaires plus graves comme une dépression respiratoire qui peut être fatale.
Dans un travail de recherche expérimentale mené en collaboration avec une équipe de l'Institut Pasteur et un industriel pharmaceutique, des chercheurs de Gustave Roussy ont démontré l'efficacité d'une molécule naturelle et innovante : l'opiorphine. Produite naturellement dans notre organisme, l'opiorphine et son dérivé stable STR324 pourraient représenter une alternative à la morphine sans ses effets secondaires. Ces résultats sont maintenant à confirmer chez l'homme.