L’analyse du sang de patients atteints d’une forme grave de Covid-19 montre un déficit des fonctions de l’immunité innée des cellules myéloïdes (fraction des globules blancs), associé à un taux très élevé de calprotectine, une protéine pro-inflammatoire de la famille des alarmines. C’est ce que montre une étude dirigée par Aymeric Silvin, chercheur à Gustave Roussy en immunologie, spécialiste des cellules myéloïdes, au sein de l’Unité 1015 Gustave Roussy / Inserm / Université Paris-Saclay, en collaboration étroite avec le Docteur Florent Ginhoux (Singapore Immunology Network), la Pr Michaela Fontenay (APHP) et le Pr Eric Solary (Gustave Roussy).
Publiés dans la prestigieuse revue Cell, ces résultats permettent de proposer un test diagnostique susceptible d’identifier rapidement les patients risquant de développer une forme sévère de la maladie.
Ces résultats inédits permettent d’envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques pour contrer l’aggravation de la Covid-19, en bloquant par exemple les récepteurs de la calprotectine et la myélopoïèse d’urgence. Ces stratégies sont à évaluer par des essais cliniques. Des discussions ont démarré pour repositionner un médicament anticancéreux dans cette indication.
L’analyse d’échantillons sanguins provenant de 158 patients admis aux urgences pour suspicion de Covid-19 montre que un taux très élevé de calprotectine (taux normal multiplié par 100 à 1 000) chez les patients atteints de forme sévère de Covid-19. La calprotectine est une protéine générée dans un contexte inflammatoire.
«Nos résultats suggèrent que la calprotectine pourrait être responsable de l’aggravation de la Covid-19, puisque sa quantité corrèle avec les besoins en oxygène ainsi que les facteurs impliqués dans la thrombose, souligne Aymeric Silvin. La forte augmentation de calprotectine dans le sang pourrait intervenir avant l’orage cytokinique associé à l’emballement inflammatoire des patients développant une forme sévère. Nous pensons qu’une boucle d’amplification se crée entre la calprotectine et l’interleukine-6, induisant une inflammation chronique aboutissant à une immuno-suppression».
La Pr Michaela Fontenay, cheffe du service d’hématologie biologique de l’hôpital Cochin, AP-HP, précise qu’«un diagnostic précoce d’une forme grave peut être réalisé par la combinaison d’un dosage de calprotectine et d’un test de routine de cytométrie en flux implantable dans les laboratoires d’hématologie. Un test de routine équivalent a déjà été déployé en France dans le but de faciliter le diagnostic d’une maladie hématologique.»