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GUSTAVE ROUSSY
1er centre de lutte contre le cancer en Europe, 4 000 professionnels mobilisés

Covid-19 News | 27 avril 2020

Synthèse d'actualités scientifiques liées au Covid-19, réalisée par des experts de Gustave Roussy.

Clinique

Dommages collatéraux : la pandémie de Covid-19 est-elle en train de faire perdre des chances aux patients atteints de cancer ?

Résumé d’après le Dr Pierre Blanchard, Gustave Roussy - Source : medXriv – 24 avril 2020

Les auteurs de cette étude provocatrice disponible en pré-publication ont évalué l’impact sur la survie des patients du décalage de diagnostic et de traitement entrainés par les modifications de l’accès aux soins en rapport avec la pandémie de Covid-19. En effet, un retard de consultation et de diagnostic, ou bien un décalage de l’instauration de traitement peut avoir des conséquences sur la progression des cancers et la survie des patients.

Pour tester cette question, les auteurs ont utilisé les données de progression hors traitement de différents cancers. Ils ont appliqué ces données aux données de survie par cancer selon le site et l’âge observés en Angleterre sur la période 2013-2017 et modélisé l’impact d’un retard de prise en charge de trois ou six mois par patient, en considérant des durées d’impact sur le système de santé de la pandémie d’un ou deux ans. Ils ont ensuite mis les chiffres en contexte en comparant le nombre de vies sauvées et d’années de vie gagnées avec chirurgie carcinologique, par rapport au nombre équivalent d’hospitalisations pour Covid-19.

Chaque année, en Angleterre, 94 912 chirurgies pour cancer ont lieu, dont 80 406 survivants à long terme et 1 717 051 années de vie gagnées en résultent². Un retard de prise en charge de six mois par patient serait responsable de 10 555 décès et de la perte de 205 024 années de vie. En moyenne, la chirurgie carcinologique entraîne un gain moyen de 18,1 années de vie par patient, qui se réduit à 15,9 avec un délai de prise en charge de six mois. Par comparaison, un nombre similaire d’hospitalisation pour Covid-19 entraînerait un gain de 474 505 années de vie (5,0 par patient), soit un taux d’années de vie rapporté aux ressources médicales de 2,25 pour une chirurgie réalisée sans délai, 1,98 avec un délai de six mois, et 0,43 pour une hospitalisation Covid-19.

Les conclusions de cette étude de modélisation montrent qu’un retard de six mois de la prise en charge chirurgicale d’un cancer curable ferait perdre 43% de la quantité de vie gagnée par l’hospitalisation d’un volume équivalent de patients atteints de Covid-19. Les auteurs recommandent donc, pour éviter une crise de santé publique secondaire, de maintenir des niveaux normaux de diagnostic et de prise en charge pour les cancers curables, et de gérer rapidement le retard déjà accumulé.

Les données de cette étude proviennent d’un pays autre que la France, mais on peut probablement considérer que les résultats ne seraient pas très différents en France. Par ailleurs la modélisation a nécessairement impliqué des simplifications, sans lesquelles il n’aurait pas été possible de produire si rapidement ces résultats. En attendant les résultats d’une étude similaire en France, cette étude impose une reprise rapide et au besoin une réorganisation de la filière de prise en charge des patients atteints de cancers en ces temps exceptionnels de pandémie Covid-19.

Reduction in survival 6 month delay surgery

Table 1: Reduction in survival as a consequence of six-month delay to surgery for 13 cancer types, by tumour stage and age of diagnosis. * indicates strata estimates of lower confidence whereby crude rather than net survival estimates were applied.

 
Covid hunters : la physiologie de SARS-CoV-2 dans le corps humain

Alexandre Bobard, Gustave Roussy – Source – Science – 16 avril17 avril -2020

physiologie de SARS-CoV-2

(GRAPHIC) V. ALTOUNIAN/Science; (INTERACTIVE) X. LIU/Science

Il va falloir garder l’esprit ouvert, disent les plus grands experts en réanimation qui sont au front dans les services d’urgences, et ne pas s’appuyer sur des dogmes préétablis : ce virus ne se comporte comme aucun observé auparavant. Le départ de l’infection est plutôt bien caractérisé : infection majoritairement par voie orale ou nasale puis installation dans la gorge, donnant ou pas des symptômes selon la réactivité du système immunitaire (85 % des cas). C’est ensuite que ça se complique, lorsqu’il descend dans les poumons et obstrue les alvéoles (10 %) menant à brancher certains patients sur respirateurs et atteindre gravement leur pronostic vital (5 %). La pneumonie virale se double alors souvent d’une pneumonie bactérienne, ainsi la plupart des patients sévères sont sous antibiotique (azithromycine). Comme avec les anciennes épidémies de 1918 et 2009, cette surinfection pourrait être responsable de la moitié des décès. Dans d’autres cas très sévères, le système immunitaire s’emballe et déclenche une « tempête » de cytokines fatale pour le patient : de multiples organes deviennent instantanément défaillants, en particulier le système cardiovasculaire et les reins.

Quel rôle joue virus dans ce phénomène ? Le problème est qu’entre temps on a perdu sa trace : les observations de terrain montrent pourtant que le virus est retrouvé dans un tas d’organes (exprimant le récepteur ACE-2), avec souvent des dommages associés importants. Donc, il se dissémine et provoque une maladie systémique avec le temps ? Il sort des poumons et colonise d’autres organes ? Ou peut-être se développe-t-il ailleurs dans l’organisme depuis le départ, avant même l’infection pulmonaire ? Oui, il apparaît que le virus peut circuler et attaquer d’autres organes avec des conséquences souvent fatales : la défaillance respiratoire est loin d’être la seule cause de décès, et la fréquence des tempêtes de cytokine pas encore caractérisée. Très souvent la détérioration reste inexpliquée.

Comprendre ces phénomènes est crucial pour aider les urgentistes à gérer les cas graves, lorsque les patients en détresse respiratoire tombent mystérieusement malades : quels signaux pourraient orienter la prise en charge et éviter la cascade fatale ? Les nombreux papiers récents non révisés, le peu d’échantillons, la faible taille des cohortes et l’urgence de la situation nous empêchent d’avoir une vision claire pour l’instant, mais l’émulation scientifique est sans précédent. Si ce virus est différent, pensons différemment, n’essayons pas de le modéliser comme ses ancêtres, de le rentrer dans une case. Il ne faut surtout pas réduire Covid-19 à une maladie du poumon : elle peut devenir systémique et atteindre d’autres organes. Une approche globale est nécessaire, pas uniquement concentrée sur ce qu’on connaît déjà dans le poumon. Essayons donc de tracer sa route à l’envers. Grâce aux quelque 1 000 papiers récents, voir quels organes sont atteints doit nous donner des indices sur sa physiopathologie et son mode de fonctionnement.

Le cœur et le système circulatoire. Dommages cardiaques et vasculaires souvent observés. ACE-2, la porte d’entrée du virus, est exprimé dans le cœur et les vaisseaux ; c’est une protéine qui régule la tension artérielle. Si Covid-19 ciblait le système cardiovasculaire, cela expliquerait que les anomalies des vaisseaux sanguins comme l’hypertension artérielle ou le diabète soient des facteurs de risque. La coagulation du sang semble jouer un rôle important également : des caillots provoquent des embolies pulmonaires et des infarctus cérébraux. La constriction des vaisseaux, surtout au niveau pulmonaire, semble jouer un rôle majeur dans la baisse d’oxygénation, peut-être même plus que la « fermeture » des alvéoles. De plus en plus pensent que la composante cardiaque/circulatoire est critique pour la détérioration subite des patients sévères.

Les reins. Très riches en ACE-2. Défaillances rénales très fréquentes chez les patients sévères. Sang et protéines souvent détectés dans les urines. Dans certains services, les machines à dialyse sont aussi recherchées que les respirateurs. Des particules virales ont été retrouvées dans des échantillons, mais l’atteinte pourrait aussi être indirectement due aux respirateurs ou aux traitements antiviraux qui endommagent les reins. Ceci expliquerait pourquoi les diabétiques, sujets aux néphropathies, sont plus à risques.

Le cerveau. Très difficile à quantifier quand les malades sont sous sédatifs ou respirateurs. Encéphalites, attaques cérébrales, brèves pertes de conscience, perte du sens de l’odorat et hyper réactions du système sympathique ont été observées (« tempête sympathique », plus traditionnellement observée suite à un traumatisme crânien). ACE-2 est exprimé dans le cortex neural et le tronc cérébral. Les dommages cérébraux pourraient expliquer le fait que certains patients n’essayent plus de respirer plus vite alors que leur niveau d’oxygène est critique : atteinte des systèmes centraux régulant la respiration. Des particules virales déjà retrouvées dans le liquide cérébro-spinal de patients. Le cousin SARS-CoV a déjà été trouvé dans des neurones de patients. Certains veulent tester l’hypothèse selon laquelle le virus pourrait atteindre le cerveau par l’intermédiaire du nez et du bulbe olfactif, avec perte d’odeur.

L’intestin. Le virus a déjà été retrouvé dans l’intestin grêle, là où l’expression d’ACE-2 est forte. Certains patients présentent des diarrhées, vomissements et douleurs abdominales au début de l’infection, avant les symptômes de toux. Des traces d’infection ont été détectées dans le côlon et des experts pensent que le virus pourrait se multiplier dans ce tissu. Le virus est retrouvé dans les selles chez 50 % des patients, mais on ne sait pas encore s’il est transmissible par cette voie. SRAS n’a pas été montré comme transmissible par voie fécale. La non prise en compte des symptômes gastro intestinaux dans les guidelines Covid pourrait être responsable de la non détection de très nombreux cas.

Les yeux. Un tiers des patients présente une conjonctivite : est-ce le signe d’une voie d’infection directement par les yeux ? Plus d’études sont nécessaires pour caractériser l’importance de cette voie d’infection.

Le foie. Dommages hépatiques chez la moitié des patients, mais les experts pensent qu’une invasion hépatique est peu probable et que ces dommages sont secondaires aux traitements et défaillances d’autres organes.

La biologie doit maintenant prendre le relais et aider à comprendre ce que les médecins observent en clinique. Un champ énorme de recherche est à investiguer pour reconstituer le parcours complet de SARS-CoV-2 dans l’organisme et décrire sa physiologie.

Biologie

Covid-19 : comment le coronavirus exploite la réponse immunitaire pour attaquer des cellules respiratoires et intestinales

Source : Le Monde – Réalités biomédicales, Dr Marc Gozlan – 26 avril 2020

C’est une étude d’une importance majeure que viennent de publier le 21 avril une soixantaine de chercheurs internationaux dans la revue Cell. Les résultats de cette publication exceptionnellement longue (63 pages) permettent de mieux comprendre comment le coronavirus SARS-CoV-2 se sert d’un mécanisme naturel de défense contre les virus pour s’attaquer à une multitude de tissus et d’organes dans la maladie Covid-19. Les chercheurs ont en effet découvert que le coronavirus tire avantage du fait que les cellules immunitaires produisent de l’interféron, une molécule antivirale, pour paradoxalement infecter un grand nombre de cellules du corps humain.

Les chercheurs américains, sud-africains, français et britanniques ont utilisé un outil de biologie moléculaire sophistiqué : le « séquençage des ARN messagers sur cellules uniques » ou single-cell RNA-sequencing (ScRNA-seq) qui permet de détecter quels gènes sont particulièrement actifs dans chacune des cellules du tissu ou de l’organe étudié. Dans la mesure où le fonctionnement (expression) d’un gène implique que l’ADN soit converti en ARN messager, la présence de ces molécules d’ARN renseigne sur le fonctionnement des gènes. La technologie RNA-seq permet ainsi d’évaluer l’activité des gènes dans chacun des sous-types cellulaires que renferme un tissu ou un organe. Elle renseigne donc sur le niveau d’expression de ces gènes.

Rappelons que le coronavirus SARS-CoV-2 utilise comme porte d’entrée dans les cellules qu’il infecte une molécule présente à leur surface : le récepteur ACE2. L’entrée du SARS-CoV-2 dans les cellules cibles nécessite l’activation de la protéine S présente à la surface du virus. Un processus auquel participe une enzyme cellulaire appelée TMPRSS2 (Type II transmembrane serine protease). Un peu comme si le virus avait besoin d’aide pour bien tourner la clé (protéine S) dans la serrure (récepteur ACE2) pour pénétrer dans la cellule. Il s’avère donc que l’enzyme cellulaire TMPRSS2 coopère avec ACE2 pour favoriser l’entrée du virus dans la cellule. […]

Représentation artistique COVID-19

Après le confinement

L’utilisation de smartphones pour le suivi du déconfinement du Covid-19 en France

Source : Communiqué Académie nationale de Médecine - 22 avril 2020

Le confinement strict a permis de freiner l’épidémie de Covid-19 en France. Le déconfinement progressif doit être suivi avec beaucoup d’attention pour détecter une éventuelle résurgence, tout en poursuivant les gestes barrières indispensables. Dès lors que les tests (PCR) de détection du virus sont largement disponibles, il est envisagé de détecter systématiquement toutes les personnes présentant des symptômes de Covid-19.

Pour stopper la circulation du virus, il est proposé d’identifier les sujets contacts de patients contagieux pour les isoler le plus tôt possible. Leur identification peut être aidée par des applications d’intelligence artificielle (IA), telles que StopCovid. En effet, ces applications sont capables de détecter par Bluetooth les personnes ayant rencontré un patient contagieux à faible distance. Il est prévu que l’anonymat soit respecté dans le cadre strict de la réglementation européenne et nationale du règlement général sur la protection des données (RGPD). Alertés, les contacts asymptomatiques pourraient alors être prévenus par sms, se faire dépister par un test PCR, être pris en charge au plus tôt et se confiner.

Cela suppose que le patient testé positif accepte, sur une base de volontariat, de se déclarer positif et de diffuser cette information aux utilisateurs de l’application qu’ils auraient pu rencontrer. Dans le cas de l’application StopCovid, il est prévu qu’il n’y aurait pas de demande de données personnelles (état civil, numéro de téléphone, géolocalisation…). […] L’approche du traçage des contacts peut être utile et efficace en faisant participer activement la population à la lutte contre le Covid-19, sur une base de volontariat. Cependant, cette efficacité suppose le respect d’un certain nombre de conditions d’ordre éthique et juridique […]

L’Académie donne un avis favorable à l’utilisation de smartphones pour le suivi du déconfinement, en suggérant qu’il y ait une évaluation de son utilisation après un et deux mois, avec des points sur les résultats, et que l’autorisation de cette application soit provisoire avec une date butoir pour éviter toute pérennisation d’un système.

Europe : un marathon, plus qu’un 100 mètres - la dynamique du déconfinement

Source : Dr Guillaume Zagury – Covidminute - 26 avril 2020

Un déconfinement à trois vitesses : les pays en décrue, en phase de plateau et ceux n’ayant pas atteint le pic. Comparatif du nombre de personnes contaminées.

Comparatif du nombre de personnes contaminées.

Sauveteur ou fausse protection : les masques empêchent-ils le coronavirus ?

Source : Financial Times – 3 avril 2020

Le Financial Times examine les facteurs scientifiques, culturels et comportementaux à l'origine du changement d'attitude envers les masques, alors que la pandémie continue de balayer le monde. La plupart des experts conviennent que le port d'un masque facial peut arrêter certaines gouttelettes aqueuses chargées de virus qui sont comme un vecteur principal du coronavirus et sont expulsées dans l'air lorsqu'une personne tousse, éternue ou expire. Plus controversé est de savoir si vous pourriez réduire le risque qu'une personne soit infectée en inhalant le virus par le nez ou en ingérant par la bouche. […]

Masques - taille du virus

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Cette newsletter est éditée par Gustave Roussy, sous la direction éditoriale du Pr Fabrice Barlesi et avec la coordination du Dr Antoine Crouan.

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