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GUSTAVE ROUSSY
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Covid-19 News | 1er avril 2020

Synthèse d'actualités scientifiques liées au COVID-19, réalisée par des experts de Gustave Roussy.

Ethique

Questions éthiques en situation d’épidémie Covid-19

Dr François Blot - Comité d’Ethique – Gustave Roussy

Des recommandations sont actuellement émises sur les grands enjeux éthiques liés à l’épidémie COVID : CCNE, sociétés savantes, ARS… (1-4). Les unes portent sur la population générale, d’autres sont plus spécifiques à des situations particulières comme les critères de réanimation ou la cancérologie.

Leur trait commun est la mise en exergue du principe de justice distributive, face à une situation où les moyens disponibles peuvent s’avérer (et s’avèrent déjà souvent) limités. Ce principe était jusqu’alors cité en dernier tant l’allocation des ressources pouvait apparaître, dans le monde occidental, peu contrainte. Ce n’est plus le cas : l’enjeu de l’équité dans l’accès aux soins (réanimation, voire médicaments) est aujourd’hui au premier plan.

Pour autant, même en situation d’exigence collective de solidarité, les piliers éthiques de respect de dignité, d’autonomie et de non malfaisance restent centraux, et s’appliquent à toute personne malade.

Si des recommandations sont émises sur des priorités de prise en charge, à l’hôpital ou en réanimation, et des algorithmes proposés, aucun score combiné ne vient remplacer le recueil d’éléments objectifs individuels, centrés sur le bénéfice escompté de la prise en charge, dans le respect de la volonté du malade, de son confort, et en excluant toute notion « d’utilité sociale » (5). Le processus reste en outre le même, celui d’une délibération collégiale, quelle que soit l’urgence, respectant le devoir d’information et de communication avec patient et proches.

Enfin, il est plus que jamais primordial d’anticiper d’éventuelles aggravations cliniques, et de définir des objectifs de soins raisonnés et partagés ("advance care planning" ; "goals of care" [6]). C’est particulièrement vrai en cancérologie.

Enfin, la question de l’âge fait l’objet d’une réflexion spécifique. Au-delà de son impact pronostique, en plus d’éventuelles maladies chroniques, et de sa prise en compte prudente et individualisée lorsqu’une décision de transfert en réanimation doit être prise, c’est bien la question de la vulnérabilité, de l’isolement, et du respect inconditionnel de la dignité qui est rappelée.

1. Comité Consultatif National d’Ethique. Covid-19- Contribution du comité consultatif national d’éthique : enjeux éthiques face à une pandémie 13 mars 2020

2. Recommandations Régionales COVID-19 (Azoulay E, Beloucif S, Vivien B, Guidet B, Pateron D, Le Dorze M). Décision d’admission des patients en unités de réanimation et unités de soins critiques dans un contexte d’épidémie à Covid-19. REA-ARS-COVID, 17 Mars 2020

3. Recommandations AFSOS (You B, Canivet A, Grellety T, et al.). COVID-19 et Cancers Solides.

4. Comité éthique SFAR. A propos des décisions médicales d’admission des patients en unité de soins critiques en contexte pandémique : quelques repères éthiques. 26/03/2020.

5. White DB, Lo B. A framework for rationing ventilators and critical care beds during the COVID-19 pandemic. JAMA 2020 Mar 27

6. Curtis JR, Kross EK, Stapleton RD. The importance of addressing advance care planning and decisions about do-not-resuscitate orders during novel Coronavirus 2019 (COVID-19). JAMA 2020, Mar 27

Thérapeutique

Une étude sur l'hydroxychloroquine dans le traitement des patients Covid-19

Source : Zhejiang University – 3 mars 2020

Abstract : Objectif : évaluer l'efficacité et l'innocuité de l'hydroxychloroquine (HCQ) dans le traitement des patients atteints de Covid-19.

Méthodes : 30 patients naïfs de traitement ont été recrutés prospectivement, avec Covid-19 confirmé, après consentement éclairé au Shanghai Public Health Clinical Center. Les patients ont été répartis dans le groupe HCQ et le groupe témoin avec un rapport de randomisation 1 :1. Les patients du groupe HCQ ont reçu 400 mg de HCQ par jour pendant 5 jours, plus les traitements conventionnels, tandis que ceux du groupe témoin ont reçu un traitement conventionnel uniquement. Le critère d'évaluation principal était l’absence de détection de matériel génétique de Covid-19 sur l’écouvillon pharyngé à J7. Cette étude a été approuvée par le comité d'éthique du centre clinique de santé publique de Shanghai et déposée sur clinicaltrials.gov (NCT04261517).

Résultats : Un patient du groupe HCQ s’est aggravé sévèrement au cours du traitement. Au jour 7, les prélèvements pharyngés étaient négatifs pour 13 patients (86,7%) dans le groupe HCQ et 14 (93,3%) dans le groupe témoin (P> 0,05). La durée médiane d'hospitalisation à l’élimination du virus était de 4 jours (1-9) dans le groupe HCQ, ce qui est comparable à celle au groupe témoin [2 (1-4) jours, (U = 83,5, P> 0,05) ]. Le temps médian de normalisation de la température corporelle dans le groupe HCQ était de 1 (0-2) après l'hospitalisation, ce qui était également comparable à celui du groupe témoin 1 (0-3). 5 patients (33,3%) du groupe HCQ présentaient une progression radiologique contre 7 (46,7%) dans le groupe témoin, et tous les patients ont montré une amélioration à l'examen de suivi. Quatre patients (26,7%) dans le groupe HCQ et 3 (20%) dans le groupe témoin avaient une diarrhée transitoire et une fonction hépatique anormale (P> 0,05).

Conclusions : Le pronostic des patients Covid-19 est favorable, mais une étude de plus grande ampleur est nécessaire pour étudier les effets du HCQ dans le traitement du Covid-19.

Le BCG, une solution pour lutter contre le coronavirus ?

Source : Science – 23 mars 2020 – BMJ – Résumé d’après Dr Yohann Loriot

L’élaboration d’un vaccin contre le SARS-COV-2 constitue la principale stratégie pour lutter à moyen terme contre l’épidémie Covid-19. Cette procédure est longue car elle requiert  de nombreuses étapes de validation chez l’animal et  d’évaluation de la tolérance et de l’efficacité chez l’homme. Une autre piste, plus rapide, pourrait reposer sur l’utilisation détournée du vaccin contre la tuberculose, le vaccin inventé par Albert Calmette et  Camille Guérin.  Celui-ci est utilisé essentiellement chez l’homme pour prévenir la survenue de tuberculose grave essentiellement durant l’enfance. Le BCG est un vaccin vivant atténué développé à partir de mycobacterium bovis (souche proche de mycobacterium tuberculosis).

Etonnamment, il est également utilisé pour lutter contre d’autres maladies, en particulier le cancer de la vessie. Au cours de ce cancer, le BCG est administré sous forme d’instillations vésicales pour diminuer le risque de récidive après la résection des tumeurs à haut risque de rechute. Le mécanisme d’action n’est pas bien compris. De nombreuses études ont cependant montré l’induction d’une réponse immunitaire innée locale (activation des macrophages, des polynucléaires neutrophiles et des lymphocytes T Natural killer).

Par ailleurs, les résultats d’études épidémiologiques réalisées en Afrique ont suggéré que le vaccin BCG était capable de réduire  le risque d’infections à de nombreux autres pathogènes. Pourquoi pourrait-il être efficace pour lutter contre le coronavirus ? Tout d’abord, en raison d’une observation clinique de l’épidémie : les plus âgés sont les plus exposés au coronavirus, à tout le moins aux formes graves de la maladie. Or, la vaccination BCG administrée aux enfants confère en général une immunisation, une mémoire immunitaire de l’ordre de vingt ans.

D’autre part, des constatations précliniques : chez la souris, le BCG entrainerait une baisse de la charge virale et stimulerait la sécrétion de protéines qui régulent l’activité du système immunitaire. Ce scénario impliquerait alors une possible protection contre l’inflammation pulmonaire constatée dans les formes graves de la maladie. Plusieurs essais cliniques ont débuté pour confirmer (ou infirmer) cette hypothèse. Une étude australienne vise par exemple à proposer à quatre mille soignants une vaccination BCG associée à une vaccination contre la grippe ou alors une vaccination antigrippale seule (un tirage au sort attribue le type de vaccination).  Une autre étude néerlandaise, vise également à inclure mille soignants au sein de huit hôpitaux dans le pays. Après tirage au sort, ils recevront soit le BCG soit un placebo.

Caractéristiques cliniques des malades atteints de Covid-19 en Chine

Source : NEJM – 28 février 2020 – Résumé d’après Semih Dogan

Caractéristiques cliniques des malades atteints de Covid-19 en Chine

La maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) est apparue dans la ville chinoise de Wuhan début décembre 2019 et s’est depuis propagée dans toute la Chine et à travers le monde.

7736 patients Covid-19 ont été hospitalisés en Chine à la date du 29 janvier 2020, dans 552 hôpitaux répartis dans les 30 provinces et régions autonomes chinoises. Les données cliniques d’une cohorte de 1099 (14.2%) patients Covid-19 confirmés par des analyses laboratoires ont été analysées. Le critère de jugement composite primaire était l’admission en soins intensifs, l’utilisation de ventilateurs mécaniques, ou le décès. Les résultats sont publiés dans le NJEM.

Au total, 3.5% des patients étaient des professionnels de santé. Seuls 1.9% des patients avait été en contact direct avec la faune sauvage. 483 patients résidaient à Wuhan. Parmi les malades qui ne résidaient pas à Wuhan, 72.3% ont eu des contacts avec des résidents de Wuhan, dont 31.3% qui s’étaient rendus dans la ville ; 25.9% des non-résidents ne s’y sont jamais rendus ou n’ont eu de contact avec un habitant de la ville.

La durée médiane d’incubation était de 4 jours (interquartile de 2 à 7 jours). L’âge médian des patients était de 47 ans (15% avaient plus de 65 ans, 0.9% avaient moins de 15 ans). 41.9% étaient de sexe féminin. Les symptômes les plus communs étaient la fièvre (43.8% lors de l’admission et 88.7% pendant l’hospitalisation) et la toux (67.8%). Les diarrhées étaient peu communes (3.8%). Sur l’ensemble de la population, 23.7% avaient au moins une comorbidité (HTA, BPCO…).

A l’admission, le degré de sévérité du Covid-19 a été catégorisé comme « non-sévère » pour 926 patients (âge médian 45 ans) et « sévère » pour 173 patients (âge médian 52 ans). La présence de comorbidité était plus fréquente chez les patients avec une maladie plus sévère (38.7% vs 21%). Sur les 975 scanners effectués au moment de l’admission, 86.2 % des résultats étaient anormaux. L’opacité en verre dépoli était l’observation la plus fréquente (56.4%). Aucune anomalie en imagerie n’était visible chez 157 des 877 patients (17.9%) présentant de symptômes modérés et dans 5 des 173 patients (2.9%) présentant des symptômes sévères.

Une lymphopénie était présente chez 83.2% des patients lors de l’admission ; une thrombopénie pour 36.2 % des malades et une leucopénie pour 33.7 % des malades.

Un critère composite est survenu chez 67 patients (6.1%), comprenant pour 5% une admission en soins intensifs, pour 2.3% une ventilation mécanique invasive, et 1.4% qui sont décédés. Parmi les 173 patients dits sévères, un critère composite est survenu chez 43 patients (24.9%).

La majorité des patients a été traitée par antibiothérapie en intraveineuse (58.0%) et 35.8% par oseltamivir ; 41.3% par oxygène et par ventilation mécanique pour 6.1%; Ces traitements étaient plus fréquents chez les patients dans le groupe sévère.

La durée médiane d’hospitalisation était de 12 jours (moyenne, 12.8).

Covid-19 s’est rapidement propagée à travers la planète avec un spectre de sévérité très large, certains patients ne présentant pas de fièvre ou d’anomalie radiologique rendant le diagnostic de la maladie d’autant plus compliqué.

Prévention

Vaccins anti-coronavirus : cinq questions clés au début des essais

Source : Nature - 18 mars 2020

Certains experts préviennent que les tests accélérés impliqueront des compromis risqués. Voici quelques-unes des questions clés auxquelles les scientifiques espèrent répondre pour développer un vaccin contre le coronavirus.Y a-t-il développement d’une immunité ? Une immunité à long terme se développe-t-elle ? Quel type de réponse immunitaire est induit ? Comment savoir si le vaccin va fonctionner ? Le vaccin sera-t-il sans danger ?

Pouvez-vous devenir immunisé contre le coronavirus ?

Source : New York Times - 25 mars 2020 - Résumé d’après Alexandre Bobard

Que sait-on sur l’immunité contre COVID-19 ? Développe-t-on une immunité durable à SARS-CoV-2 après guérison ?

Oui au moins pour 1 à 2 ans disent les experts de l’hôpital du Mont-Sinaï à NYC, où ils viennent de développer un test sérologique pour détecter les anticorps contre le virus. Ce test pourrait permettre en premier lieu aux professionnels de santé séropositifs de continuer sur le front de l’épidémie avec les cas les plus sévères. Les anticorps des séropositifs pourraient également être utilisés comme traitement pour les cas sévères (en cours à NYC). Enfin pourrait permettre à des milliers de personnes de sortir du confinement et reprendre une vie normale (l’Angleterre veut développer des kits à faire à la maison). Les immunoglobulines M sont la premières ligne de défense et détectent les pathogènes. Les immunoglobulines G arrivent quelques jours après pour les neutraliser (les anticorps sont spécifiques de chaque virus). La réponse varie d’un individu à l’autre, l’intensité de la production d’anticorps peut être forte ou faible.

Quelques chiffres :

  • Polio, rougeole : anticorps détectés à vie dans le sang
  • Les autres coronavirus peu virulents : 1 à 3 ans
  • Les autres coronavirus potentiellement virulents : SARS 10 ans mais MERS beaucoup moins

Même si l’immunité est de courte durée, une nouvelle exposition au COVID devrait provoquer des symptômes moins importants. Même si les anticorps ne sont plus produits, des cellules mémoires peuvent en produire à nouveau, avec un délai de quelques jours. Mais comme la maladie est asymptomatique quelques jours, cela laisse une fenêtre aux cellules mémoires pour monter une réponse immunitaire efficace avec production d’anticorps, avant même que les symptômes ne réapparaissent.

Avant qu’un vaccin soit mis au point, les personnes ayant une version peu symptomatique de la maladie montrent-ils une réponse immunitaire assez puissante pour rester immunisés ? (c’est le cas le plus largement répandu comprenant enfants et adultes).

L’exposition aux autres espèces de coronavirus inoffensifs pourrait apporter une immunité « croisée » à COVID-19, cette hypothèse est testée actuellement et pourrait expliquer le fait que les enfants ne développent globalement que peu de symptômes de la maladie.

Le test sérologique de SARS-CoV-2 n’est pas à visée diagnostique (les anticorps arrivent trop tard dans le processus d’infection pour détecter efficacement les cas, la RT-PCR reste le gold standard du diagnostic), mais sera un outil important pour déterminer si/quand la population devient assez immunisée contre le virus, l’objectif étant d’atteindre le seuil à partir duquel le virus n’aura plus assez d’hôte à infecter.
Source du test sérologique

Liens utiles

Coronavirus : les derniers chiffres de la propagation de la pandémie
Source : Financial Times – 1er avril 2020

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Efficacy of hydroxychloroquine in patients with COVID-19: results of a randomized clinical trial
Source : BMJ - Preprint - 22 mars 2020

Effects of chloroquine on viral infections: an old drug against today's diseases
Source : The Lancet – Novembre 2003

Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non-randomized clinical trial
Source : Dominique Costagliola – DR Inserm – 1er avril 2020

Cancer care during the spread of coronavirus disease 2019 (COVID-19) in Italy: young oncologists’ perspective
Source : British Medical Journal – 24 mars 2020

FDA approuve l'utilisation de plasma convalescent pour traiter les patients gravement malades
Source : British Medical Journal  – 26 mars 2020

Antibody responses to SARS-CoV-2 in patients of novel coronavirus disease 2019
Source : Clinical Infectious Diseases – 28 mars 2020

Temporal profiles of viral load in posterior oropharyngeal saliva samples and serum antibody responses during infection by SARS-CoV-2: an observational cohort study
Source : Lancet – 23 mars 2020

Constitutive resistance to viral infection in human CD141+ dendritic cells
Source : Science – 7 juillet 2017

Developing Covid-19 Vaccines at Pandemic Speed
Source : NEJM – 30 mars 2020

Estimating the number of infections and the impact of non-pharmaceutical interventions on COVID-19 in 11 European countries
Source : Imperial College London -30 mars 2020

Covid-19 : les données épidémiologiques
Source : Catherine Hill – 27 mars 2020

 

Cette newsletter est éditée par Gustave Roussy, sous la direction éditoriale du Pr Fabrice Barlesi et avec la coordination du Dr Antoine Crouan.

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