Cela fait déjà plus de trois ans que le robot chirurgical Da Vinci Xi a pénétré pour la première fois la salle 10 du bloc de Gustave Roussy. Depuis, il n'a cessé de multiplier les prouesses, avec l'aide des chirurgiens et des équipes soignantes. Car il faut rappeler que le robot n'est pas autonome, il ne fait qu'exécuter les gestes dictés par les mains du chirurgien, installé derrière sa console de commande. Mais le robot décuple les capacités du praticien en rendant possible des interventions jusqu'ici inenvisageables.
Ainsi, le Dr Philippe Gorphe, chirurgien ORL, a réalisé il y a quelques mois une première européenne en ORL : retirer une tumeur située dans le rhinopharynx, derrière le voile du palais, en passant par la bouche. Avec les techniques classiques, il aurait fallu ouvrir le visage du patient pour accéder à la tumeur, avec les séquelles esthétiques et fonctionnelles qu'on imagine et des risques de complications importants. Le jeune homme de 28 ans qui a bénéficié de cette innovation n'a aujourd’hui aucune cicatrice sur le visage. Il a pu recommencer à manger et à parler quelques jours après l'intervention, contre plusieurs semaines avec une opération conventionnelle. Le Dr Gorphe ne cesse de s'enthousiasmer devant les avantages du robot : "Comparé à la voie traditionnelle, c'est le jour et la nuit, les suites sont tellement simples, le patient a pu sortir dix jours après l'opération !"
Le chirurgien se souvient des débuts : "Quand nous avons reçu le robot en novembre 2014, différentes personnes avaient des expériences de chirurgie robotique par ailleurs, mais il nous a fallu apprendre à fonctionner en équipe, trouver une bonne organisation managériale". Désormais, cette organisation fait exemple. "Lors d'un symposium sur la chirurgie robotique en novembre 2017 à Miami, la société Intuitive, fabricant du Da Vinci, a proposé la même organisation", souligne le Dr Gorphe. Aujourd'hui, une vitesse de routine est atteinte et un comité de pilotage s'est constitué pour tirer le meilleur parti de la chirurgie robotique à Gustave Roussy : optimiser son fonctionnement, permettre de réaliser plus d'interventions tout en réservant toujours un temps à la recherche pour mettre au point de nouvelles techniques… Avant, peut-être, l'acquisition d'un second robot : un nouveau modèle, avec un seul trocart et non plus quatre bras séparés, qui permettrait des interventions encore moins invasives, en chirurgie mammaire et tête-et-cou. "Cette dernière génération n'est pas encore commercialisée et Gustave Roussy pourrait devenir centre d'expérimentation européen", ambitionne le Dr Gorphe.
L'Institut s'est aussi fixé pour objectif d'acquérir des équipements complémentaires au robot, notamment une table opératoire connectée. En effet, il est parfois nécessaire de changer la position du patient au cours d'une intervention et pour cela de bouger la table. Avec une table robotisée, les instruments accompagneront ces mouvements. Il ne sera plus nécessaire de déconnecter-reconnecter robot et patient, ce qui réduira les durées opératoires.
En attendant, le robot Da Vinci Xi est utilisé au meilleur de ses capacités pour la recherche clinique avec trois essais en cours à Gustave Roussy. En effet, si les bénéfices esthétiques des interventions au robot sont évidents, la mesure des avantages cliniques nécessite des études précises sur un nombre suffisant de patients.
Ainsi, en ORL, l'étude de 150 opérations de tumeurs de l'oropharynx en passant par les voies naturelles permettra d'évaluer la récupération fonctionnelle des patients, le délai de retour à une "vie normale" et la baisse des complications espérée. Aujourd'hui, 30 patients ont déjà été opérés dans le cadre de cette étude appelée TORS.
En sénologie, chirurgie du sein, le Dr Benjamin Sarfati pilote l'étude MARCI, qui vise à démontrer la faisabilité d'une mastectomie avec reconstruction simultanée en accédant à la tumeur par l'aisselle afin d'éviter toute cicatrice sur la poitrine. Au départ, 35 patientes devaient être opérées dans le cadre de cette étude, mais "au vu des bons résultats, nous avons décidé de passer tout de suite à 80 patientes, rapporte le Dr Sarfati. Notre technique a déjà progressé au fur et à mesure des interventions. Les incisions, de 5 à 6 cm au début, n'en mesurent plus de 3 ou 4 maintenant. Et on incise désormais plus en arrière, ce qui permet de cacher la cicatrice sous la bretelle du soutien-gorge. Enfin, on peut placer la prothèse devant le muscle, ce qui réduit les risques de complications." Le Dr Sarfati a été le premier au monde à utiliser le Da Vinci Xi en chirurgie plastique. Prochainement, cette chirurgie du sein au robot devrait obtenir le "marquage CE", signe qu'elle répond aux standards européens de sécurité et qu'elle est désormais bien maîtrisée. Le Dr Sarfati est par ailleurs prêt à expérimenter de nouvelles chirurgies robotiques comme la reconstruction mammaire avec un lambeau transdorsal qui ne laisserait qu'une cicatrice, la même incision étant utilisé pour retirer la tumeur et prélever le lambeau.
La troisième étude, Evatar, porte sur le cancer de la thyroïde. Le but premier est là aussi d'éviter une cicatrice au niveau du cou. Une stratégie alternative est d'inciser dans le creux de l'aisselle, mais ce n'est pas toujours possible. Gustave Roussy a été le premier établissement en France à emboîter le pas à des équipes coréenne et américaine pour expérimenter une autre voie : une incision derrière l'oreille. En plus du bénéfice esthétique, les premiers résultats publiés montrent une réduction des effets secondaires.
La chirurgie viscérale a quant à elle été la première à bénéficier des avantages de la robotique. La plupart des opérations de chirurgie digestive en cœlioscopie peuvent aussi être réalisées avec le robot, au bénéfice du patient. "Pour le rectum, le robot permet d'accéder à des zones plus profondes et de réaliser des dissections plus précises. Pour l'œsophage et l'estomac, il permet des chirurgies mini-invasives, avec moins de saignements et moins de douleurs", détaille le Dr Leonor Benhaim, chirurgienne viscérale et digestive. L'équipe de chirurgie digestive de Gustave Roussy a désormais acquis une très belle expérience en chirurgie colorectale notamment et explore désormais d'autres indications. Elle aussi attend l'arrivée d'un nouveau robot à trocart unique : "on serait parmi les pionniers et cela nous permettrait d'accéder à la totalité de la cavité abdominale et de réaliser toute l'intervention avec une seule incision", espère-t-elle.
La chirurgie robotique est plus coûteuse (investissement initial dans le robot, instruments et consommables plus chers) mais remboursée par l'Assurance Maladie sur les mêmes tarifs que la chirurgie conventionnelle. Gustave Roussy choisit pourtant de proposer de telles innovations, pour le bénéfice des patients.
Pour étendre la chirurgie robotique au plus grand nombre de patients, Gustave Roussy souhaite y consacrer 795 000 euros :
Gustave Roussy fait appel à la générosité de ses donateurs pour compléter ce budget :
Le robot Da Vinci Xi sera présenté au public par nos équipes chirurgicales à l'Institut le mercredi 20 juin 2018, de 10h à 17h.