ASCO 2023
Cancers de la prostate métastatiques porteurs de mutations génétiques de réparation de l’ADN : une combinaison hormonothérapie et inhibiteur de PARP très prometteuse
L’étude internationale TALAPRO-2 pourrait devenir le standard de première ligne dans la prise en charge des patients atteints de cancer de la prostate métastatique résistant à l’hormonothérapie et présentant des altérations d’un gène de la réparation de l’ADN. Les résultats de cette étude de phase 3 randomisée en double aveugle indiquent qu’associer le talazoparib, un nouvel inhibiteur de PARP, à l’enzalutamide, une hormonothérapie de seconde génération, par rapport à un placebo, réduit de 80 % le risque de décès ou de progression tumorale. TALAPRO-2 a été présentée en session orale au congrès de l’ASCO par le Pr Karim Fizazi, chef du comité génito-urinaire de Gustave Roussy.
Abstract n° 5004 présenté par le Pr Karim Fizazi le dimanche 4 juin
Avec en moyenne 50 000 nouveaux cas par an en France, dont 10 % s’avèrent d’emblée métastatiques, le cancer de la prostate est le plus fréquent chez l’homme. Près d’un quart des patients présentent une altération des gènes de réparation de l’ADN (le plus souvent un gène de la réparation par recombinaison homologue ou HRR), dont 8 % à 10 %, une altération des gènes BRCA2 ou BRCA1, de moins bon pronostic et pour lesquels de nouvelles options thérapeutiques restent nécessaires.
Les hormonothérapies de seconde génération (abiratérone, enzalutamide) sont devenus le standard de la prise en charge des cancers de la prostate métastatiques hormono-sensibles ou résistants à la castration.
Le talazoparib est un nouvel inhibiteur de PARP, une enzyme impliquée dans la réparation des lésions de l’ADN cellulaire. Cette molécule est déjà approuvée dans plusieurs pays en monothérapie dans le cancer du sein avancé avec mutation de BRCA1/2 et HER2 négatif.
TALAPRO-2 est la première étude internationale de phase 3 à évaluer l’efficacité du talazoparib à l’enzalutamide comme traitement de première ligne chez les patients atteints de cancers de la prostate métastatique.
Bénéfice clinique majeur de cette association
Dans cette étude multicentrique comparative d’envergure (une des plus grandes jamais menées), 399 hommes atteints de cancer de la prostate métastatiques devenus résistants au traitement par hormonothérapie conventionnelle et présentant des altérations d’un gène de la réparation de l’ADN (BRCA1, BRCA2, PALB2, ATM, ATR, CHEK2, FANCA, RAD51C, NBN, MLH1, MRE11A, CDK12) ont participé. Le Pr Karim Fizazi, coordonnateur de l’étude, présente au congrès de l’ASCO les résultats pour ces patients. Tous ont été aléatoirement répartis entre deux groupes : le premier recevant 0,5 mg de talazoparib et 160 mg d’enzalutamide une fois par jour, le second, la même dose d’enzalutamide avec un placebo.
Les résultats, après un suivi de 17 mois, indiquent que la survie sans progression radiologique, critère principal de l’étude, est significativement améliorée avec une réduction de 55 % du risque de décès ou de progression tumorale en faveur du groupe recevant les deux médicaments. Le bénéfice de l’association enzalutamide/talazoparib est particulièrement observable dans les sous-groupes de patients présentant des altérations des gènes BRCA2 et BRCA1 avec un risque de décès ou de progression tumorale réduit de 80 %. « Les patients présentant des altérations du gène CDK12, qui ont généralement une maladie plus agressive, semblent également tirer une certaine efficacité clinique de cette association thérapeutique. Ce n’est pas le cas, en revanche, pour d’autres gènes » explique le Pr Karim Fizazi.
Les critères secondaires de l’étude TALAPRO-2 : délai jusqu’à progression biologique de la tumeur, délai sans utilisation d’une chimiothérapie et survie sans progression après un 1er évènement de progression tumorale, sont également très positifs. Le taux de réponse atteint 67 % dans le groupe où la combinaison thérapeutique est administrée aux patients. L’anémie est le plus fréquent des effets secondaires, avec environ 40 % de grade 3-4. De manière importante, la survie sans détérioration de la qualité de vie est également significativement allongée pour les patients recevant l’association des deux médicaments.
« Dans l'étude non comparative TALAPRO-1, le talazoparib en monothérapie avait montré une activité antitumorale durable chez les patients atteints de cancer de la prostate métastatique lourdement prétraités et présentant des altérations des gènes de réparation de l’ADN » précise le Pr Karim Fizazi. « TALAPRO-2, ainsi que d'autres essais comparatifs de phase III récents, établissent clairement qu'un inhibiteur de PARP associé à une hormonothérapie de deuxième génération devrait désormais devenir un standard thérapeutique, au moins pour les hommes atteints de cancers de la prostate métastatiques devenus résistants à l’hormonothérapie et présentant des altérations des gènes BRCA ».