ASCO 2020
Cancers pédiatriques : premiers résultats encourageants d’une bi-thérapie dans le traitement de certains gliomes de bas grade
Villejuif, vendredi 29 mai 2020
Déjà indiquée dans le traitement de certains mélanomes et cancers du poumon, la combinaison orale dabrafenib-trametinib pourrait aussi bénéficier aux enfants atteints de gliomes de bas grade, porteurs de la mutation BRAF V600. Les données de l’étude de phase I/IIa multicentrique présentée à l’ASCO montrent que l’association de ces deux inhibiteurs de protéine kinase permet de réduire les lésions chez la plupart de ces patients, avec un bon profil de tolérance.
En ciblant respectivement deux enzymes (BRAF et MEK), impliquées dans les voies de signalisation de certaines cellules cancéreuses, le dabrafenib et le trametinib inhibent la prolifération tumorale. Combiner ces deux thérapies ciblées a déjà montré son efficacité dans le traitement de plusieurs cancers depuis 2013. L’association de ces deux médicaments oraux est aujourd’hui indiquée pour traiter uniquement certains cancers de l’adulte, du poumon non à petites cellules, des mélanomes non opérables ou métastatiques, ou en traitement adjuvant de mélanomes de stade III après résection, dès lors que l’analyse génétique de ces tumeurs met en évidence une mutation BRAF V600.
C’est le cas de 40 % des mélanomes. «10 à 20 % des gliomes de bas grade de l'enfant sont aussi porteurs de cette mutation» souligne le Dr Birgit Geoerger, onco-pédiatre, responsable du laboratoire de développement des thérapeutiques innovantes pour les tumeurs pédiatriques à Gustave Roussy et investigatrice principale de l’essai présenté en session orale virtuelle à l’ASCO 2020. L’essai évalue la sécurité et l’efficacité de la combinaison dabrafenib-trametinib, chez des enfants atteints de ce type de cancers.
Les gliomes de bas grade sont les tumeurs cérébrales les plus fréquentes chez l’enfant et si elles évoluent lentement lorsqu’elles sont de bas grade. Elles ne sont pas toujours entièrement opérables. La radiothérapie, nécessaire pour compléter l’intervention chirurgicale et détruire les cellules cancéreuses restantes, «est souvent évitée, en raison des comorbidités significatives qu’entraîne l’irradiation cérébrale sur les performances cognitives » explique le Dr Birgit Geoerger. Le traitement standard repose alors sur une chimiothérapie d’une année environ, à base de carboplatine et vincristine.
Dès que les résultats prometteurs du dabrafenib ont été mis en évidence sur les tumeurs porteuses de la mutation BRAF « nous avons commencé à traiter des enfants atteints de gliomes de ce sous-groupe histologique, avec des résultats intéressants» explique le Dr Geoerger. «Toutes les études menées sur l’association dabrafenib-trametinib dans plusieurs cancers de l’adulte ont montré que si la réponse n’est pas forcément meilleure que sous dabrafenib seul, cette combinaison empêche mieux l’échappement au traitement».
36 jeunes patients de moins de 18 ans, atteints de gliomes de bas grade porteurs de la mutation BRAF V600, ont ainsi été inclus à partir de 2015 dans l’essai de phase I/II afin de mesurer pour la première fois en pédiatrie la sécurité et tolérance de cette bi-thérapie, dans 16 centres de cancérologie de cinq pays. La moyenne d’âge était de 10 ans, un seul patient était âgé de moins d’un an. Les patientst avaient été diagnostiqués 40 mois plus tôt en moyenne (médiane) et avaient déjà été traités par chimiothérapie.
Tous ont reçu la combinaison de thérapie ciblée, par voie orale (comprimés ou forme liquide selon leur âge) aux doses préalablement évaluées par les chercheurs : une dose de 5,25 mg/kg/jour ou 4,5 mg/kg/jour de dabrafenib, selon qu’ils étaient âgés de moins ou plus de 12 ans, scindée en deux prises quotidiennes. La dose de trametinib était fixée à 0,032 mg/kg/jour en une seule prise pour les moins de six ans et 0,025 mg/kg/jour pour les plus âgés. Les données de l’essai présentées à l’ASCO, arrêtées au 16 août 2019, prouvent un bénéfice clinique de la bi-thérapie ciblée avec un taux de contrôle de la maladie (stabilité ou régression constatée des lésions à l’imagerie) de 89 %. La durée de traitement a été en médiane de 14 mois. 26 enfants sont encore sous traitement, «et certains le sont maintenant depuis plus de 40 mois» souligne le Dr Geoerger.
Les principaux effets secondaires constatés -fièvre et manifestations dermatologiques (peau sèche, éruption) - étaient majoritairement de bas grade : «ces molécules se révèlent étonnamment mieux tolérées en combinaison qu’en monothérapie», observe le Dr Birgit Geoerger, « et se sont révélés parfaitement gérables ». Les chercheurs vont désormais approfondir l’essai, en comparant le bénéfice de la combinaison dabrafenib-trametinib sur un an à la chimiothérapie standard chez des patients nouvellement diagnostiqués avec un gliome de bas grade.
Présentation orale par le Dr Birgit Geoerger à l'ASCO
▶ Lire l’abstract N° 10506
A retenir
- 10 à 20 % des gliomes de bas grade chez les enfants sont porteurs de la mutation BRAF V600.
- La combinaison dabrafenib-trametinib limite l’échappement au traitement et sa tolérance est meilleure qu’en mono-thérapie.
- Le taux de contrôle de la maladie est de 89 %.
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