Plus de 30 000 cancérologues sont attendus au congrès mondial de l’ASCO, qui s’ouvre le 3 juin à Chicago. Cette année encore, les traitements faisant appel à l’immunothérapie seront au cœur de ce grand rendez-vous international dédié aux résultats cliniques des nouvelles molécules en cancérologie.
"Il est désormais évident que les traitements par immunothérapie sont efficaces dans de très nombreuses tumeurs, tout en présentant des effets secondaires relativement limités et bien contrôlés". Le bilan scientifique 2016 publié par l’association des cancérologues américains, l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), confirme l’importance croissante des traitements faisant appel au système immunitaire des malades. Présentée comme "l’avancée majeure de l’année 2016" par les oncologues américains, cette classe de médicaments est de nouveau au centre du congrès annuel de l’ASCO, qui se tient à Chicago du 3 au 7 juin 2016.
C’est dans le mélanome avancé (non opérable ou métastatique) que les résultats les plus spectaculaires sont attendus. L’étude Keynote-001, présentée lundi 6 juin par le Pr Caroline Robert, chef du service d’onco-dermatologie de Gustave Roussy, confirme l’efficacité de cette famille de molécules qui préservent l’action anti-tumorale des lymphocytes T. Après trois années de suivi, 40% des patients traités par le pembrolizumab sont encore en vie, et bénéficient d’une durée de vie supplémentaire de 24,4 mois. Près de 15 % d’entre eux paraissent en rémission complète.
Le pembrolizumab (nom commercial Keytruda) est un anticorps monoclonal développé initialement pour traiter les formes avancées du mélanome. Cette molécule sélective bloque le message envoyé par la cellule cancéreuse pour rendre inactif les lymphocytes T chargés de les éliminer. En fait, cette molécule inhibe certaines liaisons chimiques (PD-1/PD-L1) entre les lymphocytes et la cellule cancéreuse pour maintenir les cellules tueuses en pleine activité. "C’est un concept simple qui consiste à libérer des cellules du système immunitaire pour leur permettre d’attaquer les cellules cancéreuses", résume le Dr Julie M. Vose, présidente de l’ASCO.
L’étude présentée dimanche 5 juin par le Dr Andrea Varga, oncologue au sein du Département d’Innovation Thérapeutique et Essais Précoces (DITEP) de Gustave Roussy, montre que ce mode d’action est également efficace dans certains cancers du col de l’utérus, deuxième cancer féminin le plus fréquent. Cet essai préliminaire sur 24 patientes semble prometteur et va se poursuivre.
L’immunothérapie fait également son apparition dans le traitement de certains cancers de la vessie au stade métastatique, pour lesquels peu de solutions sont actuellement disponibles. L’étude présentée le 5 juin par le Dr Christophe Massard, chef du comité Essais Précoces au DITEP, porte sur un anticorps (durvalumab) agissant lui aussi sur les récepteurs PD-L1 ancrés sur les cellules cancéreuses. Cette étude donne des résultats encourageants chez les patients souffrant d’un cancer inopérable et en échec avec les traitements conventionnels.
Par ailleurs, les combinaisons de traitements associant des thérapies ciblées entre elles ou avec des immunothérapies, largement annoncées l’an passé, connaissent des progrès sensibles. C’est le cas de l’association dabrafenib/trametinib dans le cancer du poumon métastatique non à petites cellules (dit cancer du fumeur), première cause de mortalité chez les hommes. Cette combinaison cible deux sites de la cellule cancéreuse connus depuis longtemps des cancérologues : les gènes BRAF et MEK.
L’étude présentée à l’ASCO 2016 par le Dr David Planchard, oncologue au DITEP, est une première pour ce type de pathologie et confirme l’importance croissante de l’identification des mutations portées par une tumeur dans l’établissement du diagnostic et le choix du traitement.
Les cancers pédiatriques sont également au rendez-vous des avancées prometteuses, comme le montre l’étude présentée par le Pr Gilles Vassal, directeur de la Recherche Clinique de Gustave Roussy. Grâce à un portrait moléculaire détectant les bons répondeurs (porteurs des mutations génétiques ALK, ROS ou MET), les enfants et adolescents peuvent désormais bénéficier comme les adultes d’une thérapie ciblée (crizotinib). Cet essai a été réalisé dans le cadre du programme AcSé lancé par l’Institut National du Cancer (Inca) et promu par le groupe Unicancer, qui rassemble les centres de luttes contre le cancer (CLCC) français, dont Gustave Roussy.
Comme l’an passé, la recherche clinique hexagonale tient bien son rang à Chicago. Avec un total de 485 communications présentés pendant les quatre jours du congrès (contre 442 en 2015), les médecins-chercheurs français consolident leur seconde place mondiale. Loin derrière les Américains, mais devant les Allemands (419), les Britanniques (386) et les Italiens (353). Selon le dernier bilan de l’Institut National du Cancer en 2014, près de 43 000 patients ont été inclus dans des essais cliniques en cancérologie et près de 134 000 tests de génétique moléculaire concernant plus de 70 000 patients ont été réalisés dans l’hexagone.
Alain Perez, à Chicago, pour Gustave Roussy.