Immunothérapie : les thérapies cellulaires

Les thérapies cellulaires sont des médicaments de thérapie innovants, utilisant les cellules du patient, qui sont ou non modifiées génétiquement en laboratoire pour acquérir des propriétés fonctionnelles originales, avant de lui être réinjectées. Appliquées à la cancérologie, elles visent à éduquer des cellules du système immunitaire pour qu’elles puissent s’attaquer de façon plus efficace aux cellules cancéreuses du patient.

Jusqu’à présent, les chercheurs concentraient leurs travaux sur certains types de globules blancs, les lymphocytes T, connus pour leur rôle dans la réponse immunitaire antitumorale et leur capacité à détruire une cellule malade, comme les cellules tumorales. Dès 2019, Gustave Roussy a reçu l’autorisation de traiter des patients avec cette nouvelle voie thérapeutique, en ayant recours aux cellules CAR-T.

À Gustave Roussy, plusieurs travaux sont menés dans le champ des thérapies cellulaires. “La thérapie cellulaire innovante en cancérologie vise actuellement à reprogrammer génétiquement certaines cellules du système immunitaire du patient pour les utiliser comme médicament”, explique la Pr Nathalie Chaput, directrice du laboratoire d’immuno-monitoring en oncologie à Gustave Roussy.

 

Infographie Thérapie Cellulaire

 Principe 

Transformer les cellules immunitaires d’un donneur sain ou d’un
patient pour leur donner la capacité de reconnaitre facilement
les cellules tumorales ou pour les forcer à attaquer les cellules
tumorales.

 Exemple 

Les CAR-T : les lymphocytes T du patient sont prélevés, puis modifiés
avant de lui être réinjectés dans le sang. Un récepteur CAR est
ajouté à leur surface, spécifique du type de cancer du patient.

 

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Les cellules CAR-T

Les cellules CAR-T sont des lymphocytes T génétiquement modifiés pour exprimer un récepteur appelé CAR (Chimeric Antigen Receptor, en anglais) leur conférant la capacité de cibler spécifiquement les cellules cancéreuses, de s’activer à la suite de leur reconnaissance, et de les détruire.

Les lymphocytes T sont des cellules clé du système immunitaire, responsables de la réponse immunitaire destinée à la destruction d’un agent pathogène ou de cellules anormales comme les cellules cancéreuses. Mais différents mécanismes d’échappement immunitaires développés par les cellules cancéreuses permettent à ces dernières d’inactiver les lymphocytes T. Une dynamique que veut contrer la thérapie cellulaire par cellules CAR-T.

Pour ce faire, des lymphocytes T sont prélevés sur le patient par aphérèse (technique de tri des cellules sanguines) et subissent une modification génétique en laboratoire afin d’exprimer, à leur surface, un récepteur CAR d’intérêt. Multipliés en laboratoire puis réinjectés dans l’organisme, ils deviennent capables de reconnaître et de détruire les cellules tumorales exprimant la cible du CAR.

L’efficacité des thérapies cellulaires utilisant des cellules CAR-T a été pour l’instant uniquement démontrée pour certains cancers hématologiques. Les résultats obtenus pour traiter des cancers solides restent décevants, en lien avec la difficulté pour les cellules CAR-T de dévier de la circulation sanguine.

Depuis 2019, les cellules CAR-T sont déployées à Gustave Roussy pour les enfants et les jeunes adultes atteints de leucémie aiguë lymphoblastique, et pour les adultes atteints de lymphomes diffus à grandes cellules B, avec des résultats encourageants. 40% des patients de ce dernier groupe ont développé une réponse complète à la suite d'une injection unique de cellules CAR-T, sans rechute de la maladie au bout de deux ans.

► Les cellules CAR-T

Les tumor-infiltrating lymphocytes (TILs)

Les traitements par tumor-infiltrating lymphocytes (TILs) sont des thérapies par transfert de cellules, dont l’objectif est de mobiliser, chez les patients atteints de cancers, leurs propres lymphocytes et leurs capacités immunitaires pour combattre la maladie.

Des lymphocytes infiltrés

Les TILs regroupent trois types de cellules – les lymphocytes B, les lymphocytes T, et les cellules tueuses naturelles (NK) - ayant pour point commun d’avoir infiltré la tumeur ainsi que son stroma, soit le microenvironnement tumoral qui l’entoure. Ces lymphocytes infiltrés sont récupérés directement dans la tumeur du patient, puis multipliés en laboratoire, avant de leur être réinjectés pour lutter contre la maladie.

Cette forme de thérapie cellulaire, qui ne nécessite pas de modifications génétiques des lymphocytes, contrairement aux cellules CAR-T, est aujourd’hui considérée comme un des traitements anti-cancéreux les plus prometteurs, particulièrement efficace pour s’attaquer à certaines tumeurs solides.

Concrètement, une thérapie par TILs se divise en six grandes étapes 1 :

  • Une résection chirurgicale d'une lésion tumorale d’1-2 cm est réalisée sur le patient, afin d’y récupérer des unités lymphocytaires infiltrées.
  • Cette lésion est ensuite déposée dans un milieu de culture riche en interleukine 2, une cytokine identifiée comme facteur de croissance des lymphocytes T. Les TILs sont séparés des cellules tumorales et du stroma, et se développent de manière exponentielle, croissance renforcée ensuite par un système automatisé de culture cellulaire.
  • Pour préparer au mieux l’organisme à la réception des TILs, le patient reçoit en amont pendant 5 à 7 jours une chimiothérapie lympho-déplétive. Cela permet de créer un environnement propice à l’injection des lymphocytes multipliés.
  • Une fois la chimiothérapie réalisée, le patient reçoit via perfusion les TILs multipliés, sous surveillance étroite du personnel médical.
  • Déjà employée en laboratoire, l’interleukine 2 (IL-2) est ensuite injectée à haute dose au patient après la transfusion de TILs.
  • Dans la phase post-traitement, plusieurs règles sont à respecter. Pour éviter une réaction du greffon contre l’hôte, la transfusion à vie de produits sanguins irradiés est nécessaire. Les corticoïdes sont eux à proscrire totalement.

Les TILs à Gustave Roussy

L’Institut participe au programme PragmaTIL, un essai clinique notamment financé par l’Union européenne. Il a pour objectif d’optimiser les thérapies par TILs, afin d’élargir leur application dans les institutions hospitalières, en réduisant les principales toxicités.

Actuellement, l’interleukine 2 administrée à haute dose chez le patient après l’injection des TILs, est nécessaire pour maintenir le développement et l’activation des cellules une fois dans l’organisme. Mais elle est aussi responsable de nombreux effets secondaires, qui nécessitent une surveillance constante et accrue des personnes suivies. L’objectif de PragmaTIL est de réduire cette toxicité tout en maintenant l’efficacité du traitement.

Concernant les essais cliniques, la Dr Alexandra Leary mène l’essai clinique C-700 Agenus,  qui s’intéresse aux TILs dans le champ des cancers du col de l’utérus. Le Pr Benjamin Besse s’apprête lui à ouvrir un essai clinique, CHIRON, avec des TILs dans le cadre du cancer du poumon.

La recherche

Les cellules immunitaires modifiées. Les travaux scientifiques pour renforcer et développer la thérapie cellulaire se développent.

  • La chercheuse Laurie Menger, cheffe d’équipe ATIP-avenir U1015 Gustave Roussy/Inserm, travaille sur l’épuisement des cellules CAR-T, afin de le contrer. Pour ce faire, plusieurs projets de recherche sont menés de front. Premièrement, l’équipe s’intéresse aux lymphocytes T CD4, qui aident les lymphocytes T CD8 dans leur action contre les cellules cancéreuses, afin de mieux les comprendre. Des travaux sont menés sur les mitochondries, véritable usine énergétique intracellulaire que mobilisent les lymphocytes T pour fonctionner. Enfin, en collaboration avec le Pr Florent Ginhoux et la Pr Véronique Minard-Colin, des travaux sont menés sur l’élaboration d’un nouveau type de cellule CAR, les CAR macrophagiques.
  • La Dr Camille Bigenwald, médecin hématologue, est investigatrice de l’étude PIONEER, qui vise à comprendre les déterminants immunitaires de la réponse et de la toxicité des cellules CAR-T. Ses travaux cherchent à identifier des biomarqueurs d’efficacité chez les patients, pour déterminer en amont qui répondra et qui ne répondra pas à un traitement par cellules CAR-T. Un autre objectif est de comprendre les effets secondaires qui peuvent être lourds, en particulier sur le plan neurologique.
  • La Pr Véronique Minard-Colin travaille sur l’implémentation clinique de lymphocytes T génétiquement modifiés pour exprimer un nouveau TCR (récepteur des lymphocytes T capable de reconnaître une cible tumorale). Ce nouveau récepteur, contrairement aux cellules CAR-T qui reconnaissent un antigène exprimé à la surface de la tumeur, ciblerait un antigène intracellulaire, ouvrant des perspectives pour le traitement de certaines tumeurs solides.
  • La Dr Alexandra Leary va ouvrir un essai clinique, intitulé SURPASS-3, qui s’intéresse aux CAR-T appliquées au champ des tumeurs solides. Cet essai concerne les patients avec un cancer de l’ovaire.

Les “chevaux de Troie thérapeutiques”. Thérapie prometteuse inventée à Gustave Roussy, les monocytes autologues modifiés, ou “chevaux de Troie thérapeutiques”, sont développés par le chercheur Jean-Luc Perfettini et son équipe, au sein de l’équipe de recherche “Mort cellulaire, Immunité et Innovation Thérapeutique”, rattachée à l’UMR 1030 “Radiothérapie Moléculaire et Innovation Thérapeutique”.  

Concrètement, cette thérapie cellulaire repose sur le prélèvement de monocytes d’un patient, un autre type de globules blancs, qui sont reprogrammés en laboratoire afin de surexprimer la protéine p21. Ces monocytes sont ensuite réinjectés dans l’organisme, où, après migration dans la tumeur, ils vont se mettre à phagocyter (ou “manger”) des cellules cancéreuses. L’augmentation de l’expression de la protéine p21 permet de reprogrammer les monocytes, au sein de la tumeur, en macrophage inflammatoire “hyper-phagocyteurs” de cellules tumorales. 

En utilisant les monocytes comme vecteur pour infiltrer la tumeur, la technologie des “chevaux de Troie thérapeutiques” mobilise une voie naturelle du système immunitaire pour s’attaquer au cancer. Les monocytes se rendent naturellement sur les sites d’inflammation de notre organisme, comme une tumeur.

L’arrivée dans une tumeur de monocytes autologues modifiés va entraîner une réaction inflammatoire, facilitant l’infiltration des lymphocytes T naturellement présents chez le patient. À terme, l’objectif est d’éduquer le système immunitaire pour que s’inscrive dans la durée ce mécanisme, et éviter les rechutes.

Des premiers résultats précliniques ont montré la capacité des monocytes autologues modifiés à atteindre les sites tumoraux et à tuer des cellules cancéreuses, débouchant sur une réduction de la taille de la tumeur, et un allongement de la survie.

“Nos avancées avec les ‘chevaux de Troie thérapeutiques’ illustrent notre ambition collective dans ce domaine et d’autres biothérapies innovantes, fruits de nos recherches, sont actuellement à l’étude”, souligne Jean-Luc Perfettini. “L’ensemble de ces développements dans le domaine des thérapies cellulaires souligne la volonté de Gustave Roussy d’aller de la découverte aux essais thérapeutiques chez les malades. Une unité de recherche clinique dédiée aux biothérapies innovantes et regroupant tous les acteurs de la chaîne permettra de traiter des patients sur site à Gustave Roussy”, conclut la Pr Nathalie Chaput.

1) Martins, F., et al. Principes de la thérapie cellulaire par transfert adoptif à base de Tumor Infiltrating Lymphocytes, Rev Med Suisse, Vol. 12, no. 519, 2016, pp. 989–993

Pour en savoir plus  :

 

 

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