Covid-19 News | 6 avril 2020

Synthèse d'actualités scientifiques liées au Covid-19, réalisée par des experts de Gustave Roussy.

COVID 19 news

Épidémiologie

Épidémiologie courbe

Financial Times  + Pierre Paperon - 6 avril 2020

Recherche

Tocilizumab, un anticorps anti-récepteur de l'IL6, pour traiter l'insuffisance respiratoire liée à Covid-19 : rapport de cas

Source : Annals of Oncology  – 2 avril – Gustave Roussy, Université Paris-Saclay

 Les chercheurs de Gustave Roussy rapportent, dans une lettre à l’éditeur dans Annals of Oncology, le cas d’un patient Covid-19 atteint d’un syndrome de détresse respiratoire aigüe, traité avec le tocilizumab, un anticorps monoclonal anti-récepteur de l'interleukine-6 (IL-6).

Un patient de 42 ans, cancer du rein métastatique nouvellement diagnostiqué, était hospitalisé à Gustave Roussy pour une fièvre, un traitement des douleurs des métastases osseuses et la décision de traitement de première ligne. Devant l’apparition d’une toux, un test Covid-19 s’est révélé positif. Le scanner a en outre montré des opacités pulmonaires en verre dépoli, bilatérales, typique du Covid-19. Deux jours après son hospitalisation, une soudaine dyspnée évocatrice d’un « cytokine storm » s’est manifestée.

Le choc cytokinique se manifeste par une réponse inflammatoire exacerbée du système immunitaire. Dans le cas du covid-19, les concentrations plasmatiques des cytokines IL-6, IL-2, IL-7, IL-10, IP10 (interferon gamma inducible protein), MCP1 (monocyte chemo attractant protein), MIP1A (macrophage inflammatory protein) et TNF-alpha sont augmentées. Les études antérieures ont montré que l’IL-6 jouait un rôle proéminent et de fait représentait une cible thérapeutique potentielle. La décision a été prise d’administrer deux doses de tocilizumab à 8 heure d’intervalle. Il s’en est suivi une amélioration clinique notable avec baisse de la fièvre et du besoin d’assistance respiratoire qui a été supprimé au 12e jour (figure 1). 4 jours après l’administration de l’anticorps, les images scanner montraient une régression partielle des infiltrats en verre dépoli.

Il s’agit ici d’un premier cas de traitement d’une pneumopathie sévère due au Covid-19. Le blocage du récepteur de l’IL-6 semble être une piste très prometteuse pour le traitement des patients développant un syndrome de détresse respiratoire aiguë.

Tocilizumab

Les équipes de Gustave Roussy développent différentes études comme ONCOVID et participent à l’étude nationale CORIMMUNO avec les AntiIles.

Génétique

Covid-19 et génétique

 Brigitte Bressac – Gustave Roussy

 Le Sars-CoV-2 est un virus à ARN qui peut provoquer des maladies respiratoires aiguës parfois graves et mortelles chez des sujets jeunes sans comorbidités. Par ailleurs, les premières données épidémiologiques en provenance de Chine et d’Italie montrent que le coronavirus Sars-Cov-2 affecte et tue majoritairement les hommes. L’existence de susceptibilités génétiques à développer des formes graves de maladies infectieuses est un objet d’études très actuel. De nombreuses initiatives de recherche ont été entreprises, deux articles récents proposent des pistes.

Des Biobanques coordonnées par l’Institut de médecine moléculaire de l’université d’Helsinki lancent un appel pour que des personnes ayant contracté le Covid-19, dont les données génétiques ont déjà été recueillies, puissent se signaler et donner des informations sur leur atteinte (1). En parallèle, un projet conduit par le Howard Hughes Medical Institute doit inclure 500 patients répondant à trois critères : être âgé de moins de cinquante ans, avoir présenté une forme grave de Covid-19 (ayant nécessité une admission en soins intensifs) et n’avoir aucune comorbidité connue (diabète, pathologies cardiaques ou pulmonaires). Le séquençage du génome de ces patients volontaires est destiné à mettre en évidence d’éventuelles variabilités génétiques, avec des hypothèses de gènes candidats, pour commencer (1).

Concernant la gravité plus fréquente chez les hommes, cette disparité liée au sexe a été également observée lors de précédentes épidémies de coronavirus (SRAS et MERS) (2). Selon cet article, plusieurs éléments pourraient expliquer ce biais de sexe. Par exemple, en Chine les hommes fument plus que les femmes et ont aussi un taux plus élevé de diabète de type 2 et d’hypertension artérielle. D’autres facteurs seraient d’ordre biologique, les femmes développant des réponses immunitaires de plus forte amplitude et de meilleure qualité que les hommes en réponse à des infections virales ou aux vaccins. Les raisons de cette réponse immunitaire accrue chez les femmes sont probablement multifactorielles, dont les œstrogènes qui auraient un effet protecteur et des gènes de l’immunité portés par le chromosome X (2).

Un parallèle intéressant peut-être fait avec le RNA respiratory syncitial virus (RSV) responsable de bronchiolites chez l’enfant, maladie plus fréquente chez les garçons que chez les filles (55% vs 45%) (4). Il a été montré que l’allèle G d’un SNP (rs3761624) localisé dans le promoteur du gène TLR8 (gène situé en Xp22.2), avait une affinité augmentée pour le facteur de transcription p53 par rapport à l’allèle A, conduisant à une augmentation d’expression de TLR8 et donc à une activation plus forte de la réponse immunitaire et inflammatoire. Au plan clinique, les génotypes G chez les garçons et GG chez les filles sont associés à une durée plus longue d’hospitalisation pour bronchiolite (3). Enfin, l’activation de p53 par un panel de drogues puis l’adjonction d’un agoniste de TLR8, a conduit à une production d’IL6 de 2 à 3 fois supérieure, par les lymphocytes de donneurs de génotypes G chez les garçons ou GG chez les filles (3). De manière intéressante, une réponse favorable à l’anticorps anti-récepteur de l’IL6 vient d’être démontrée chez un patient de Gustave Roussy traité par Tocilizumab.

Sources : (1) JIM, (2) Sciences et Avenir, (3) NCBI – Nov 2019, (4) NCBI – March 2020

Prévention

L'Académie nationale de médecine préconise le port obligatoire du masque

Source : Académie nationale de Médecine – 2 avril 2020

Mesures barrières renforcées pendant le confinement et en phase de sortie de confinement

En Extrême-Orient, le port d’un masque anti-projection est à la fois une mesure de prévention et un acte de civisme en situation d’épidémie de virus à tropisme respiratoire. Cette mesure a contribué à une réduction du taux de reproduction. Il est établi que des personnes en période d’incubation ou en état de portage asymptomatique excrètent le virus et entretiennent la transmission de l’infection. En France, le port généralisé d’un masque par la population constituerait une addition logique aux mesures barrières. L’Académie recommande : que le port d’un masque « grand public », aussi dit « alternatif », soit rendu obligatoire pour les sorties nécessaires en période de confinement ; que la levée du confinement s’accompagne d’un maintien des mesures barrières jusqu’à l’absence de nouveau cas pendant une période de 14 jours…

port du masque

Pierre Paperon

Comment traquer la dissémination d’un virus invisible ?

Source : New York Times - 1er avril 2020 - Résumé d’après Alexandre Bobard

Où vont apparaître les foyers d’infections les plus denses ? Quels foyers seront les plus meurtriers ? Questions cruciales dont la réponse permettrait de faire des tests ciblés dans ces zones, y suréquiper les services d’Urgence en matériel de survie, y déployer des forces de sécurité renforcées pour faire respecter le confinement, y construire des hôpitaux de campagne, la liste des bénéfices potentiels est énorme : il s’agit de mettre les ressources vitales là où il faut. Problème : sans test de dépistage de masse, les experts sont complètement « aveugles » face à la dissémination de ce virus sur un territoire.

Comment prédire la dissémination du virus en temps réel sans utiliser de modèles prédéfinis (cf Wuhan) ? Afin d’anticiper ses déplacements et ses ancrages régionaux, certains pays ont choisi de diffuser des questionnaires à leur population (symptômes, tests, facteurs de risques, démographie…) : l’analyse par intelligence artificielle des 2 millions de questionnaires anglais et 150000 israéliens ont déjà permis d’identifier des « clusters » quelques jours avant leur apparition (5 jours par le Weizmann Institute). Les USA (MIT, MGH et Cornell-NYC) vont commencer à distribuer ces questionnaires par App ou Web destinés à être mis à jour régulièrement.

Véritable challenge vu le morcellement de leur système de santé, ils vont commencer avec ce qu’il y a de plus structuré : une diffusion vers les personnes atteintes de cancer (1,5 millions de patients dans la base de données de Stand Up to Cancer) et les infirmières (par ailleurs ce sont parmi les populations les plus à risque). Argentine, Canada, Estonie, Allemagne, Luxembourg, Slovénie, Suède et Suisse pourraient suivre cette stratégie.

En revanche, cela peut potentiellement poser des problèmes de libertés individuelles, selon les différentes législations des pays. Cornell par exemple n’affiche que des infos relatives au niveau des comtés (pas d’infos individuelles onlines) et joue le plus possible la carte de la transparence avec publication d’un tableau de bord expliquant comment les résultats sont exploités. Conclusion du Dr Chan du MGH : “Cette situation nous donne une leçon sur les limites de nos capacités à répondre à une pandémie en tant qu’épidémiologistes. Nous devons développer des outils qui nous permettront dans le futur de répondre plus rapidement à la collecte et l’analyse de données massives en temps réel. Car cela pourrait ne pas être la dernière pandémie.

Thérapeutique

Traitement anticoagulant pour la prévention du risque thrombotique chez un patient hospitalisé avec Covid-19 et surveillance de l’hémostase

Propositions du GIHP et du GFHT – 3 avril 2020

 Chez les patients hospitalisés avec Covid-19, la prévention de la maladie thromboembolique par une HBPM est l’option de choix, mais il est vraisemblable que les posologies validées en médecine soient fréquemment insuffisantes, et notamment dans les formes sévères et en cas d’obésité. De plus, plusieurs observations récentes en France et en Italie soutiennent qu’une embolie pulmonaire sévère est très fréquente chez les patients Covid-19 hospitalisés, avec une incidence d’évènements supérieure à 10% en réanimation (données non publiées, Strasbourg, Lille, Grenoble, Cremona-Italie).

La surveillance biologique, en particulier des paramètres de l’hémostase, est une aide pour le traitement des patients, puisque certaines anomalies (notamment l’augmentation de la concentration des D-Dimères) sont associées aux formes cliniques les plus sévères et à un risque thrombotique majoré. Le dépistage précoce de ces anomalies potentiellement prédictives peut donc contribuer à une prescription optimisée du traitement anticoagulant.

Dans ce contexte, et malgré l’absence de données probantes publiées, le GIHP (Groupe d’intérêt en péri opératoire) et le GFHT (Groupe Français d’études sur l’Hémostase et la Thrombose), ont rédigé des propositions sur la prévention de la maladie thromboembolique et les modalités de suivi biologique de l’hémostase chez les patients avec Covid-19 hospitalisés afin d’apporter rapidement une aide à la décision.

Ces propositions regroupées en 4 objectifs :

    1. Définir le niveau de risque de thrombose chez les patients avec Covid-19
    2. Surveiller l’hémostase des patients hospitalisés avec Covid-19
    3. Prescrire un traitement anticoagulant chez les patients avec Covid-19
    4. Appliquer d’autres mesures que le traitement anticoagulant pour la prévention du risque thrombotique

Prévention et traitement des complications thrombotiques en cas d’infection par le Covid-19 hospitalisé

Prévention et traitement des complications thrombotiques

L’arsenal des anticorps de synthèse contre SARS-CoV-2

Source : CellPress- Trends in Immunology, April 2020

Point sur les avancées dans la recherche et le développement d'anticorps neutralisants (nAbs) pour la prévention et le traitement des infections par le Sars-CoV-2 et d'autres CoV humains.

recherche et le développement d'anticorps neutralisants

Liens utiles

 

Cette newsletter est éditée par Gustave Roussy, sous la direction éditoriale du Pr Fabrice Barlesi et avec la coordination du Dr Antoine Crouan.

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