03/19/2019

Une thérapie ciblée pour stimuler le système immunitaire contre certains cancers

Des scientifiques de Gustave Roussy ont dévoilé le potentiel jusqu'alors méconnu des inhibiteurs de PARP - une thérapie ciblée utilisée pour le traitement de certains cancers du sein et de l'ovaire - à stimuler l'immunité anti-tumorale. Ces travaux ouvrent la voie vers le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques qui pourraient permettre à un plus grand nombre de patients, notamment ceux atteints de cancer du poumon, de bénéficier de l'immunothérapie.

Bloquer la réparation de l'ADN des cellules tumorales

L'ADN des cellules accumule constamment des erreurs qui doivent être réparées afin de permettre la survie de la cellule. Les inhibiteurs de PARP sont des médicaments bloquant l'un des mécanismes utilisés par les cellules tumorales pour réparer leur ADN. Ceci provoque une accumulation de dommages de l'ADN qui finissent par déclencher la mort des cellules. Ce mécanisme d'action ciblé confère aux inhibiteurs de PARP la capacité de détruire d'une manière sélective les cellules cancéreuses qui présentent déjà une déficience de réparation de leur ADN, comme celle induite par les mutations du gène BRCA1 retrouvées dans les cancers de l'ovaire, du sein et de la prostate, ou les défauts du gène ERCC1, présents dans près d'un tiers des cancers du poumon.

Grâce aux inhibiteurs de PARP, les cellules cancéreuses rejettent leur ADN en dehors de la membrane, favorisant ainsi une réponse immunitaire.

Booster le système immunitaire du patient

Récemment, l'équipe du Dr Sophie Postel-Vinay à Gustave Roussy, en collaboration avec l’équipe du Pr Chris Lord à l'Institute of Cancer Research de Londres, a découvert un nouveau mécanisme d'action des inhibiteurs de PARP, impliquant la stimulation du système immunitaire contre la tumeur.

En se basant sur des modèles cellulaires de cancer du poumon et de cancer du sein, les chercheurs ont montré que dans les cellules cancéreuses comportant des défauts de BRCA1 ou d'ERCC1, les inhibiteurs de PARP activent un mécanisme d'immunité autonome associé à la détection de petits fragments d'ADN accumulés dans les cellules à la suite des dommages induits par les inhibiteurs de PARP. Ces petits fragments d'ADN agissent comme un signal de danger pour les cellules cancéreuses, qui déclenchent alors une réponse immunitaire similaire à celle induite lors d'une infection virale. Ceci entraîne la sécrétion d'une myriade de signaux moléculaires ayant comme conséquence de recruter les cellules immunitaires au site tumoral, favorisant ainsi l'action du système immunitaire contre la tumeur.

Cette découverte apporte une nouvelle compréhension du mécanisme d'action des inhibiteurs de PARP. "Nous savions que les inhibiteurs de PARP éliminent spécifiquement les cellules cancéreuses porteuses de défauts des voies de réparation de l'ADN, en créant des dommages non tolérés par la cellule, mais ce que notre étude dévoile, c'est que ces médicaments favorisent l'infiltration des cellules immunitaires au niveau de la tumeur, en influençant les interactions que les cellules tumorales ont avec leur microenvironnement immunitaire", explique le Dr Roman Chabanon, biologiste responsable du projet de recherche et lauréat du Parcours d'excellence en cancérologie - Fondation Philanthropia. "Cette notion change radicalement la perception que l'on a du potentiel anti-cancéreux de ces médicaments."

Combiner les traitements pour renforcer l'efficacité de l'immunothérapie 

L'étude ouvre des perspectives nouvelles vis-à-vis de l'utilisation des inhibiteurs de PARP chez les patients, notamment en combinaison avec l'immunothérapie. "Nos résultats précliniques montrent que les inhibiteurs de PARP peuvent favoriser la mobilisation des cellules immunitaires contre le cancer. Ces observations, très récemment corroborées par les travaux de recherche complémentaires de plusieurs autres équipes dans le monde, apportent un rationnel scientifique pour l'utilisation clinique des inhibiteurs de PARP avec l'immunothérapie", précise le Dr Sophie Postel-Vinay, oncologue médical à Gustave Roussy et médecin-chercheur ATIP-Avenir Inserm, qui a dirigé ces recherches. "Cette stratégie combinatoire pourrait permettre de stimuler la réponse immunitaire contre les cellules cancéreuses porteuses de défauts de réparation de l'ADN, et ainsi d’augmenter le bénéfice thérapeutique associé au traitement dans plusieurs types de cancers dont le cancer du poumon. Nous avons développé un essai clinique en parallèle de nos travaux de recherche, qui évaluera cette nouvelle combinaison thérapeutique à Gustave Roussy et dans 5 centres français. Il débutera en 2019 chez des patients atteints de cancers du poumon, de la vessie et de la prostate."

Ces travaux de recherches, co-financés par le programme ATIP-Avenir de l'Inserm, le SIRIC Socrate, la Fondation Philanthropia et Cancer Research UK, ont donné lieu à une publication dans la prestigieuse revue scientifique The Journal of Clinical Investigation.

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